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Une lettre de dénonciation en 1936

Besançon | Doubs | Archives départementales du Doubs | 1936
Époque contemporaine | République et vie politique XIXe-XXe siècles

Une lettre de dénonciation en 1936
© Archives du Doubs

Contre les travailleurs suisses

Ce document est une lettre anonyme écrite par un ouvrier bisontin de l’horlogerie. Elle est adressée au commissaire spécial de Besançon le 20 mai 1936. Elle est signée “Votre bien dévoué”.
Cadran de profession et “chômeur depuis deux mois environ”, l’auteur dénonce un travailleur étranger de sa profession en situation irrégulière. Il réclame son expulsion afin de pouvoir récupérer l’emploi ainsi libéré. L’étranger incriminé, précise l’auteur, est un “Suisse du nom de Monnier travaillant à l’Industrielle Bisontine rue des Villas qui n’a pas de carte d’identité depuis plusieurs mois”. Estimant qu’il peut “facilement le remplacer”, il demande au commissaire de police de faire “le nécessaire” pour “expulser [….] l’étranger […]”.
L’auteur termine son courrier en justifiant son anonymat par crainte de “désagréments”, mais promet de se faire connaître auprès du commissaire bienfaiteur “une fois placé”. Il précise aussi qu’il a deux enfants et une femme.

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Xénophobie et crise économique

Cette lettre de dénonciation traduit la montée de la xénophobie au sein de la classe ouvrière dans les années 30. L’adoption de la loi du 10 août 1932, qui contingente la main-d’oeuvre étrangère dans les principaux secteurs d’activité, fait littéralement voler en éclat la solidarité internationaliste prônée par les partis et syndicats de gauche. La poursuite de la hausse du chômage, malgré la loi, augmente encore davantage la concurrence entre nationaux et étrangers sur le marché de travail.
Ainsi, au milieu de la décennie, une partie importante de la classe ouvrière considère davantage les travailleurs étrangers comme des concurrents déloyaux au service du patronat, que comme des compagnons de lutte contre le capitalisme. Les étrangers, de par la précarité de leur statut, sont accusés d’accepter des conditions de travail illégales et se voient par conséquent reprochés d’être des “briseurs de salaires” ou des “briseurs de grèves” par les Français. La crise économique et les tensions sociales conduisent certains ouvriers exaspérés à dénoncer des immigrés en infraction avec la législation française afin de récupérer un emploi qui, selon eux, leur revient de droit.

Contexte

La place des étrangers dans les années 1930

Après le première guerre mondiale, la France a besoin de main d'œuvre étrangère pour se reconstruire. Il faut remplacer les très nombreux morts de la guerre, les mutilés infirmes, les victimes de la grippe espagnole. En 1927, des lois facilitent l'accès à la nationalité française pour faire face à cette crise démographique. Les pays d’origine des immigrés se diversifient avec, par exemple, aux côtés des Italiens, l'arrivée de travailleurs polonais. Dans les années 1920, la moyenne des entrées est de 300 000 par an. Entre 1921 et 1931, on assiste à un quasi doublement de la population étrangère qui s'établit désormais à 7 % de la population totale du pays. Le climat change radicalement lorsque la France est touchée par la crise de 1929 à partir de l'automne 1931. Ce décalage dans le temps s'explique par le fait qu'elle est peu intégrée aux courants commerciaux mondiaux. La crise frappe les classes moyennes qui constituent les bases sociales de la République. On assiste à une montée de l'antiparlementarisme et les ligues d'extrême droite progressent.

La France est devenue le premier pays d'immigration durant l'entre-deux-guerres, d'autant qu'à la même époque les États-Unis ferment leurs frontières. Un fort élan de xénophobie populaire traverse la France à partir de 1931, accompagnant l’essor du chômage dû à la crise économique et financière. La loi du 10 août 1932 sur le contingentement des étrangers est votée à l'unanimité : il est désormais possible de refuser le séjour d'un étranger sur des critères arbitraires et de l'expulser sans possibilités de recours. Les étrangers sont alors de plus en plus exclus de la vie économique du pays.

Complément(s)

Site(s)

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