Une habitation type de la Capesterre
Réalisée spécifiquement pour la Maison de la Négritude par le modéliste champagnerot Pierre Tison, cette maquette s’inspire d’un schéma dressé par le géographe Guy Lasserre (1920-2001) en 1961 d’après les écrits du Père Labat (1663-1738). Ce dominicain décrit la société caribéenne à laquelle il appartient dans ses écrits. Partisan de l’esclavage et lui-même possesseur d’esclaves à Fonds-Saint-Jacques (Martinique), il serait l’inventeur du rhum conçu à l’origine pour soigner les fièvres.
La Capesterre (ou Cabesterre) est une ancienne division de la Martinique en usage à l’époque du Père Labat qui s’étendait de Grande-Anse à la presqu’île de la Caravelle. La Martinique, alors colonie française depuis 1635, est mise en valeur par les esclaves importés depuis l’Afrique de l’Ouest qui travaillent dans les champs de canne à sucre.
Le terme « d’habitation » désigne non seulement la plantation mais également l’ensemble des bâtiments élevés sur la propriété, les terres non cultivées (savane, bois), les esclaves, les animaux, les outils de travail. Le propriétaire est appelé habitant ou maître de case.
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La Martinique est le
Dans les colonies, l’habitat est dispersé. Chaque habitation vit en autarcie. Le cœur en est la case du maître (M.M), située le plus souvent sur une élévation. A proximité mais non accolée à la grand’case pour éviter les incendies, se trouve la cuisine. Toutes deux sont entourées par une palissade qui cache notamment la vue des case des esclaves (C.E.). Apparaissent les bâtiments à vocation industrielle (M., S., p., m., e.), la transformation de la canne en sucre étant effectuée par les esclaves sur place du fait de sa fragilité. La canne à sucre est amenée des champs par des cabrouets (charrettes tirées par des bœufs) d’où la présence d’un parc à bœufs (P.). Le moulin est à eau (M.) est alimenté par l’eau de la rivière coulant à proximité et amenée par un canal. Le « bois debout » sert de réserve de bois pour la construction et/ou pour le chauffage des installations industrielles. Il sera abattu au fur et à mesure des besoins.
Les « jardins à nègres » permettent de nourrir les esclaves dont l’alimentation doit, en théorie, être fournie par le maître (article 22 du code noir). Certains maîtres font le choix, comme ici, de mettre à disposition de leurs esclaves, un lopin de terre pour assurer leur subsistance et vendre aux marchés les éventuels surplus.
On note enfin la présence d’une culture secondaire, celle du cacao, introduite en Martinique vers 1650.
Contexte
Au temps de la traite transatlantique
Les traites sont un phénomène ancien car l'esclavage existe depuis l'Antiquité. La traite transatlantique se met en place au XVIe siècle et dure jusqu’au XIXe siècle. De 11 à 15 millions de captifs africains ont ainsi été déportés vers les colonies européennes d'Amérique ou vers l'Océan indien. Les esclaves noirs représentent une main-d'œuvre nombreuse et bon marché. Des navires européens quittent les ports négriers comme Nantes ou Liverpool. Ils s'arrêtent en Afrique de l'Ouest où ils échangent des esclaves contre des produits européens. Puis, c'est la traversée vers les colonies. De nombreux esclaves meurent durant ce voyage. Ceux qui arrivent sont vendus et travaillent principalement dans les plantations. Le Brésil et les Antilles sont les principales destinations des navires négriers. Ensuite, les bateaux reviennent en Europe chargés de produits coloniaux comme du coton, du café ou du sucre. On parle de commerce triangulaire. Le voyage total pouvait durer deux ans et demi.
Le travail le plus épuisant est celui de la culture de la canne à sucre et il est rythmé par le fouet. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec le développement de l'économie de plantation, la traite connaît un essor important. Au XVIIIe siècle, des centaines de milliers d'esclaves travaillent dans les plantations. À la même époque, d’abord en Angleterre, un courant en faveur de l'abolition de l'esclavage se développe.