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Plaintes et doléances des habitants de Grosmagny

Grosmagny | Territoire de Belfort | Archives départementales du Territoire de Belfort | 1789
Époque contemporaine | Révolution française

© Archives de Belfort, ADTB, 54 E-dépôt AA1

Plaintes et doléances des habitants de Grosmagny

Conformément à la convocation du roi portant sur la préparation des Etats-généraux, la province d’Alsace (dont dépend le village de Grosmagny) réunie à la France après 1648, s’engage dans la rédaction des cahiers de doléances à partir du 7 février 1789. Cet extrait concerne celui du Tiers-Etat. Il n’est pas daté précisément mais est antérieur au 28 mars, jour qui marque le début de l’assemblée du baillage de Belfort-Huningue dont la mission fut de centraliser toutes les doléances de ses habitants. 47 signataires exposent leurs remontrances tout au long de ses 16 pages et en 26 revendications précises. La plupart, portant sur la suppression des taxes et droits seigneuriaux, sur l’égalité devant l’impôt et le vote par tête, sont communes à celles du royaume. Certaines concernent des particularismes locaux, sur la dîme de pomme de terre, l’usage des forêts, l’exploitation des mines, le commerce du fer ainsi que sur les abus du système judiciaire. La dernière supplique, anecdotique, reflète les préoccupations des villageois quant à leur survie quotidienne liée aux cultures et à leur confiance en un roi représentant de Dieu sur terre : « que pendant trois quart de saison les neiges couvrent la surface de la terre » : la neige gelée protégeant les semis d’automne.

En savoir plus

Grosmagny est un village des collines sous-vosgiennes, situé dans le Val de Rosemont, dans le sud de la province d’Alsace ; les ducs de Mazarin en sont les seigneurs depuis 1659, date de la donation de Louis XIV au Cardinal. Les activités de la population locale sont étroitement liées à l’élevage et au travail de la mine (mines de fer et de plomb argentifère) ; l’exploitation de la forêt, dans un paysage constitué de collines boisées, présente un double enjeu : autant pour son usage traditionnel que pour le fonctionnement des « fourneaux » dont dépend la fabrication des métaux. De nombreux litiges opposent la population aux ducs de Mazarin depuis la tentative de rédaction des terriers dans le Val de Rosemont en 1741-1742 ; en effet, les villageois ont refusé de se soumettre à la convocation du bailli, François Noblat, représentant l’autorité seigneuriale, dont le but était de rétablir et garantir les droits seigneuriaux des descendants du Cardinal.  De lourdes amendes frappent tous ceux qui ne se conforment pas aux droits d’usage dans les bois seigneuriaux y compris pour le ramassage de feuilles et de glands.  Les paysans s’opposent également au contrôle de l’eau des rivières par le seigneur, ressource utilisée pour le fonctionnement des usines ; son usage pour l’agriculture leur en étant limité.  Le fer produit dans la région, majoritairement exporté vers la Suisse et l’Allemagne, est un autre point de contestation ; par conséquent, pour un usage local, les artisans ont sans doute dû faire appel à d’autres régions pour s’en procurer, à un coût plus élevé.  La  vénalité des charges judiciaires apparait comme une inquiétude majeure dans ce cahier de doléances. L’acquisition des offices se faisant à des sommes excessives, les officiers  de justice n’hésitaient pas à majorer le prix des amendes pour en tirer le plus grand parti. Les habitants du baillage réclament par conséquent une réforme judiciaire afin de limiter ces abus, ainsi que la création de deux tribunaux en Basse-Alsace, dont l’un à Belfort.

Ce cahier, influencé par les cahiers modèles alors à disposition, reflète tout particulièrement les conflits qui ont opposé cette communauté à ses seigneurs au cours de plusieurs décennies, quant à l’usage de ressources essentielles (bois et eau)  ainsi que son profond désir d’une justice plus équitable.

Sandrine Bozzoli, professeure d’histoire-géographie.

Contexte

Complément(s)

Autre(s) ressource(s)

Délibération de l'ordre de la noblesse

Délibération de l’ordre de la noblesse du 28 mars 1789
ADTB, 54 E-dépôt AA3

En complément des cahiers de doléances de la noblesse, une délibération portant sur l’égalité devant l’impôt est rédigée le 28 mars 1789. La noblesse est divisée : certains sont prêts à renoncer immédiatement à leurs privilèges fiscaux ; d’autres ne peuvent y consentir. En introduction, la noblesse regrette d’avoir été injustement critiquée par les deux autres ordres ; elle utilise deux fois le terme « sacrifice » pour évoquer son renoncement aux privilèges fiscaux.

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