Le port de Bordeaux
Le port de Bordeaux, situé à l’embouchure de la Garonne, est très actif au XVIIIème siècle grâce au commerce colonial pratiqué par les grandes familles de négociants bordelais. Deuxième port négrier français derrière Nantes, Bordeaux connaît alors une période de prospérité qui conduit au changement de physionomie de la ville. Les marais sont asséchés, les remparts sont aménagés. Un opéra est construit.
Cette lithographie dont les dimensions sont modestes (17,5/24 cm) a été réalisée en 1844. Développé à partir du XVIIIème siècle, ce procédé consiste à imprimer à plat un dessin réalisé sur une pierre. Son auteur Frédéric-François d’Andiran (Bordeaux 1802- Lausanne 1846) est aussi un aquarelliste réputé, auteur d’une œuvre abondante. Sa ville natale l’a profondément inspiré puisqu’il lui a consacré plusieurs lithographies dont celle présentée à la Maison de la Négritude dans la salle consacrée à l’esclavage des Noirs.
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Avec Nantes, trois ports s’impliquent particulièrement dans la traite au XVIIIème siècle : La Rochelle, Le Havre et Bordeaux. A ces ports, s’en ajoute une douzaine d’autres essentiellement situés eux-aussi sur la façade atlantique.
Les navires dits « négriers » parce qu’ils effectuent du transport de « nègres » (au XVIIIème siècle, cela signifie esclaves) quittent les ports chargés de « pacotilles » . Cette marchandise par paquets d’où son nom, est composé pour la plus grand part de tissus. Elle est destinée aux chefs africains qui paient avec leurs prisonniers de guerre, issus de tribus rivales. Les échanges ont lieu dans les forts et comptoirs entre le Sénégal et le Congo. Une fois marqués au fer rouge, les esclaves remplacent les « pacotilles » dans l’entrepont du navire, spécialement aménagé pour leur transport. Ils seront ensuite échangés dans les colonies d’Amérique et aux Antilles contre des produits agricoles qui seront ramenés dans les ports d’Europe. Ce commerce triangulaire nécessite de forts capitaux (la valeur d’un hôtel particulier à Paris) et une prise de risque importante, d’où la mise en place de groupements de personnes représentés par un armateur qui donne les consignes aux capitaines des négriers. Les bénéfices étaient répartis proportionnellement aux apports.
Les opérations de traite étant hasardeuses (naufrages, révoltes, famines, tempêtes, …), elles n’étaient qu’une des activités des armateurs qui diversifiaient leurs activités. A Bordeaux, on compte près de 400 expéditions négrières qui s’ajoutent au commerce des denrées coloniales produites par les esclaves sur les habitations de Saint-Domingue.
Les négociants et armateurs de Bordeaux commercent essentiellement avec la colonie française de Saint-Domingue. La place de Bordeaux dans le commerce de traite diminue après la perte définitive de l’île en 1804 et cesse en 1826. Seuls quelques rares navires destinés au commerce de traite partiront illégalement de Bordeaux jusqu’à l’abolition définitive de l’esclavage en 1848.
Elodie Lambert, Assistante de Conservation en charge de la Maison de la Négritude
Contexte
Au temps de la traite transatlantique
Les traites sont un phénomène ancien car l'esclavage existe depuis l'Antiquité. La traite transatlantique se met en place au XVIe siècle et dure jusqu’au XIXe siècle. De 11 à 15 millions de captifs africains ont ainsi été déportés vers les colonies européennes d'Amérique ou vers l'Océan indien. Les esclaves noirs représentent une main-d'œuvre nombreuse et bon marché. Des navires européens quittent les ports négriers comme Nantes ou Liverpool. Ils s'arrêtent en Afrique de l'Ouest où ils échangent des esclaves contre des produits européens. Puis, c'est la traversée vers les colonies. De nombreux esclaves meurent durant ce voyage. Ceux qui arrivent sont vendus et travaillent principalement dans les plantations. Le Brésil et les Antilles sont les principales destinations des navires négriers. Ensuite, les bateaux reviennent en Europe chargés de produits coloniaux comme du coton, du café ou du sucre. On parle de commerce triangulaire. Le voyage total pouvait durer deux ans et demi.
Le travail le plus épuisant est celui de la culture de la canne à sucre et il est rythmé par le fouet. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec le développement de l'économie de plantation, la traite connaît un essor important. Au XVIIIe siècle, des centaines de milliers d'esclaves travaillent dans les plantations. À la même époque, d’abord en Angleterre, un courant en faveur de l'abolition de l'esclavage se développe.
Complément(s)
Image(s)
Expédition négrière selon le port de départ au XVIIIème siècle, p.44
REGENT (F.) : La France et ses esclaves. De la colonisation aux abolitions (1620-1848), Pluriel, 2021.
Répartition des 386 expéditions bordelaises, p.227
LAUGLANEY (D) et confrérie des gens de la Mer : la traite et ses navires négriers du XVIIè au XIXè siècle. Azalées éditions, 2001