Le monument Quand-même
Cette carte postale de la fin du XIXème siècle représente le monument « Quand-Même » sculpté par Antonin Mercié sur décision de la municipalité de Belfort en 1884, afin de rendre hommage à Adolphe Thiers et Denfert-Rochereau. Les Belfortains souhaitent montrer leur reconnaissance et rendre hommage à Denfert-Rochereau, gouverneur de la place Belfort et chef héroïque de la Résistance durant la guerre franco-prussienne et à Thiers pour avoir permis la conservation de Belfort à la France lors des tractations menées pour la ratification du traité de Francfort en 1871.
La scène est composée de deux figures en bronze : une Alsacienne, brandissant le fusil d’un soldat de la main gauche, tournant le dos à l’Allemagne, soutenant un mobileMembre des troupes de la Garde nationale de 1848 à 1871. More blessé de son bras droit. Cet ensemble haut de 3,80 mètres repose sur un socle portant l’inscription « Aux défenseurs de Belfort » ainsi qu’un médaillon en bas-relief représentant Thiers et Denfert-Rochereau. Le piédestal renferme des documents relatifs à la création du monument ainsi que le nom de personnages liés aux événements de cette période. Par le choix de ces deux figures emblématiques et en reprenant la devise de la Ligue des Patriotes fondée en 1880, Mercié célèbre davantage le combat du peuple que celui de ses chefs.
Initialement implanté place d’Armes dans la perspective du Lion de Bartholdi et du château, cette Alsacienne semblait dire aux belfortains qu’elle est française « Quand-même », malgré l’annexion de son territoire par la Prusse. Le monument est inauguré au son du canon le 31 août 1884.
En savoir plus
La création et l’érection de ce monument à Belfort a suscité de nombreuses polémiques. Aux lendemains d’un conflit marquant pour la France, à l’aube d’une nouvelle République, le besoin de commémorer la résistance de la ville et d’honorer ses défenseurs s’est concrétisé sur fond de divisions politiques au sein de la municipalité.
Les difficultés commencent à l’issue du Conseil Municipal du 7 juin 1878 au cours duquel est prise à l’unanimité la décision d’ériger un monument destiné à honorer Thiers et Denfert-Rochereau. Le Comité du monument Denfert-Rochereau est créé en même temps qu’une souscription nationale est lancée ; la ville de Belfort s’y inscrit pour une somme de 2000 francs. Un concours est organisé auquel participent différents sculpteurs dont Auguste Bartholdi et Antonin Mercié. Le projet de Bartholdi, jugé trop ambitieux et onéreux, n’est pas retenu ; celui de Mercié, incluant les effigies de Thiers et Denfert-Rochereau, ne remporte pas l’adhésion de l’opinion publique et de la presse qui le qualifient de « burlesque ». Après remaniement, cette nouvelle proposition est exposée au Salon de Paris de 1882 où il suscite un grand enthousiasme sous le nom de « Quand-même ».
Financièrement, la souscription ne remplit pas ses objectifs. Le 17 décembre 1880, le Conseil municipal décide de récupérer le reliquat de la souscription de la création du Lion. S’ensuit un procès opposant le Comité du Lion et Bartholdi à la municipalité ; les requérants exigeant la conservation du reliquat pour permettre la finition des travaux du Lion. La justice ayant tranché en mai 1882 en faveur du Comité du monument Thiers-Denfert-Rochereau, un second procès auxquels se mêleront des enjeux politiques liés à la réélection de Louis Parisot à la tête de la municipalité, confirmera le jugement initial.
Quand le monument de Mercié arrive à Belfort en 1883, il provoque la stupeur et l’incompréhension. Les belfortains ne se reconnaissent pas dans cette femme, qui plus est, en costume d’alsacienne. L’ensemble sculptural est relégué dans un hangar à Danjoutin jusqu’à son inauguration en 1884. Installé devant la mairie, il sera déplacé en 1904 en raison de la reconstruction du kiosque à musique place D’Armes ; les autorités religieuses s’étant fermement opposées à ce qu’il reste face à la cathédraleÉglise où siège l’évêque. La « cathèdre » est la chaire de l’évêque.. Désormais implanté à l’opposé de la place, il a perdu son sens symbolique puisqu’il semble regarder l’Alsace.
Sandrine Bozzoli, professeure d’histoire-géographie.
Contexte
Les symboles de la République
La République triomphe
Le 2 septembre 1870 Napoléon III, battu par les Prussiens à Sedan, est fait prisonnier. Le 4, à Paris, la République est proclamée. Face au danger de restauration monarchique, la IIIe République s'impose en une dizaine d'années.
Les lois constitutionnelles de 1875 définissent un régime parlementaire : le suffrage universel masculin est affirmé et le président de la République sera élu par le Sénat et la chambre des députés.
Les républicains remportent les élections suivantes et en 1879, le républicain Jules Grévy est élu président de la République.
L’enracinement de la République
De 1879 à 1889 sont votées les lois fondatrices qui donnent à la France son identité républicaine. Elles sont complétées par des mesures symboliques.
La Marseillaise est l'hymne national de la France (loi de 1879).
Le 14 juillet devient la fête nationale (loi de 1880).
La IIIe République impose le drapeau tricolore.
Sa devise est Liberté, Egalité, Fraternité
En 1881 sont votées les lois de liberté de la presse et de réunion ; en 1884, sur la liberté syndicale.
Ministre de l'instruction publique Jules Ferry organise l'école primaire, gratuite, obligatoire et laïque pour tous les enfants de 6 à 13 ans, jusqu'au certificat d'études (lois de 1881-82).
En 1884, les maires sont désormais élus par les conseillers municipaux.
La mairie et l'école publique incarnent dans toutes les communes la présence de la République.
Des bustes de Marianne, qui représentent la France républicaine, sont installés dans les mairies. Les statues de la République et des grands hommes ornent les places et les fontaines publiques.
Ces symboles comme l'enseignement dispensé à l'école laïque ou la pratique des élections, contribuent à enraciner la République en France.
La culture républicaine s'oppose dans un premier temps à l'Église catholique. En France, l'identité républicaine est étroitement liée à la laïcité.
Les affrontements aboutissent en 1905 à la loi de séparation de l'Église et de l'État. En 1914, les opposants à la République ne sont plus qu'une minorité.
Complément(s)
Image(s)
L’inauguration du monument de Mercié eut lieu le 31 août 1884. La frontière du 1er septembre 1884 relate les festivités : […dès que le canon tonna, tout le monde était déjà prêt ; sapeurs-pompiers, gymnastes, sont à leurs exercices ; les trains d’Alsace continuent tout le matin à déverser sans relâche des flots humains qui viennent respirer l’air libre de France et saluer les couleurs nationales…]. Le journaliste évoque une ambiance particulière où seules les autorités locales, pourtant à l’origine des critiques adressées à Denfert-Rochereau, sont présentes ; un monument qui, à peine dévoilé, surprend et déçoit les vétérans car il n’accorde qu’une faible place à Thiers et Denfert-Rochereau, uniquement figurés par un petit médaillon sur le socle de la statue. AD90, 4 Fi 39
Carte postale postérieure à 1904, année au cours de laquelle la place d’Armes est reconfigurée, la statue prenant la place du kiosque à musique et inversement. AD 90, 7 fi 1123