Le monument aux morts
Construire pour se souvenir
La Première Guerre mondiale (1914-1918) a durablement traumatisé la France qui est, parmi les belligérants, le pays le plus touché proportionnellement à sa population totale : 1,4 million de morts, 3 millions de blessés, des « gueules casséesDéfigurés, mutilés, de la Première Guerre mondiale. » défigurées par les déluges d’artillerie, pour 40 millions d’habitants ! Sur l’ensemble du territoire, au centre de l’espace public, s’élèvent des monuments aux morts qui rappellent le sacrifice des combattants plus qu’ils ne glorifient une victoire au tribut si lourd. Un véritable culte civique prend forme et rassemble l’ensemble des habitants lors des célébrations de l’armistice du 11 novembre 1918, jour du souvenir devenu jour férié en 1922. A Montbéliard, est inaugurée en 1924 une stèle portant un buste de poilu au visage énergique entouré d’une branche de laurier, comme les héros antiques. Sur la face principale, un bas-relief de marbre montre une jeune fille revêtue du costume de la diaichotte, avec sa « câle à diairi », coiffe traditionnelle portée autrefois par les femmes de confession protestante luthérienne, qui symbolise la ville.
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Une esthétique particulière
La « Grande GuerreNom donné par ses contemporains à la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui les historiens réutilisent ce nom pour marquer la spécificité du conflit de 1914-1918. », la « Der des ders » comme l’espéraient les Poilus, a profondément marqué l’imaginaire français du XXe siècle. La nation a payé un lourd tribut : 1,4 million de tués et de disparus, soit 10 % de la population active masculine. Les communes rurales ont été véritablement saignées, le Doubs compte ainsi plus de 11 000 victimes, pas une famille n’est épargnée soit par le décès ou les blessures d’un proche devenu invalide ou une « gueule cassée ». Afin de perpétuer la mémoire de ses enfants morts pour la patrie, chaque localité ouvre des souscriptions publiques et s’engage dans de lourdes dépenses pour graver dans la pierre le nom des siens tombés au champ d’honneur. Après la guerre franco-prussienne de 1870, dans les marges de l’Est, on dejà des colonnes ou obélisques funéraires édifiées dans les cimetières, sur les restes des combattants ensevelis à même le sol qu’ils avaient défendu. Mais, en 1919, les pertes massives rendent impératif le besoin de mémoire et toutes les communes endeuillées se couvrent de ces monuments emblématiques. Ils se dressent au centre de l’espace public, près de la mairie, de l’école, de l’église, ou dans des lieux symboliques comme ici au pied du château. Le monument de Montbéliard a la forme d’un obélisque, sa face avant porte en haut relief une « diaichotte ». Cette allégorie de la ville offre des fleurs et des épis de blé, symbole de résurrection, à la mémoire des disparus. Le monument est surmonté du buste d’un poilu casqué, autour duquel s’enroule une branche de laurier, évoquant la gloire et la victoire. Son auteur, Armand Bloch (1866-1933) est un sculpteur comtois confirmé sociétaire du Salon des Artistes français, et ami d’Emile Zola. L’œuvre présentée ici relève du style « cocardier ». Elle s’oppose à la Piéta laïque du monument aux morts de Valentigney qui figure la République meurtrie.
Contexte
Combattre pendant la première Guerre mondiale : les poilus
Des conditions de vie terribles
Le quotidien du poilu dans sa tranchée est terrible : le froid, l'humidité, la boue, la faim, la soif, les poux, les rats et surtout la peur constante, la mort omniprésente.
Les combats sont atroces, les corps pulvérisés par les gros calibres d’artillerie.
Les pertes engendrées par les armes nouvelles issues de l'industrie sont considérables. À chaque assaut, un homme sur trois est tué ou atrocement mutilé. On dénombre après les trois jours de l'offensive du général Nivelle en 1917 40 000 tués et 90 000 blessés. Et les batailles n'ont jamais été aussi longues : Verdun dure dix mois ! Les soldats, mais aussi les populations civiles, subissent ces violences physiques et psychologiques inouïes.
Mais le conflit familiarise aussi les soldats et les peuples à ce degré de violence et aux morts innombrables. Il provoque des comportements toujours plus brutaux. Des anciens poilus ont expliqué l'effroi premier devant la mort, puis peu à peu une habitude, voire un plaisir difficilement avouable de la donner. Ce consentement à la violence et à la mort subies et données a été nommé par les historiens « l'ensauvagement » ou la « brutalisation ».
Il explique en partie la violence politique de l'Entre-deux-guerres qui s'épanouit dans les mouvements fascistes et nazis.
Complément(s)
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Site(s)
Mémoire des hommes
Mémoire des hommes est destiné à mettre à la disposition du public des bases de données réalisées à partir de la numérisation et de l’indexation de fiches biographiques conservées par le ministère de la Défense. Il a également pour vocation d’honorer la mémoire de celles et ceux qui ont participé ou donné leur vie au cours des conflits de l’époque contemporaine.