Le drame de Quincey
L'"attentat" de Quincey
Cette archive de juillet 1789 évoque le « crime affreux commis au château de Quincey près de Vesoul en Franche-Comté ». De quoi s’agit-il ? Le rappel de Necker en juillet 1789 est l’occasion de réjouissances. Le soir du 19 juillet 1789, beaucoup de monde se rend au château de Quincey, propriété du seigneur Jean Antoine Marie de Mesmay, conseiller au parlement de Besançon. Vers 23 heures, une explosion occasionnée par des poudres entreposées au château entraine la mort de quatre personnes. Le château est réduit en cendres. L’épisode est dramatisé à l’Assemblée et connaît donc un retentissement national. Il est interprété comme un attentat : Monsieur de Mesmay aurait attiré le Tiers-Etat dans un guet-apens. Cette catastrophe donne le signal de « la Grande Peur » dans la province. La panique puis les actes de violence se propagent. Le calme ne revient que très progressivement. Cet évènement contribue au vote de l’abolition des privilèges dans la nuit du 4 août 1789.
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En juillet 1789, la rumeur se répand que des bandes de brigands à la solde des privilégiés vont dévaster les granges et couper les blés. Aussitôt les paysans s’arment et se livrent à une véritable jacquerie. Des châteaux sont attaqués et brûlés, des nobles assassinés. Le mouvement touche particulièrement la Franche-Comté, la vallée du Rhône, la Provence et les régions des Alpes. Le point de départ de cette vague de violence en Haute-Saône est sans aucun doute la destruction du château de Quincey dans la nuit du 19 juillet 1789 : « une explosion affreuse se fait aussitôt sentir ; tout dans Quincey n’offre que l’image de la mort, de l’effroi… Des cadavres amoncelés, des membres épars, des débris d’édifices ébranlés… tels est l’horrible spectacle que présente ce village. Le bruit de cette abomination se répand bientôt dans Vesoul et dans les campagnes. Tous les habitants des villages voisins conçoivent le projet de dévaster toute la province et de détruire tous les châteaux. L’endroit où la dévastation a été plus remarquable est le village de Saulx. Les maisons ont été renversées, les effets pillés, les moissons foulées au pied. » La plupart des nobles de Franche-Comté s’enfuient alors en Savoie. Finalement, après une enquête minutieuse, il s’avère que cette explosion est due à un acte de malveillance et que Monsieur De Mesmay n’est en rien responsable. il faut pourtant attendre le 30 mai 1791 pour que le tribunal de Vesoul conclut à son innocence.
Didier Roux, professeur d’histoire-géographie, détaché aux Archives de Haute-Saône.
Contexte
La France à la veille de la Révolution
La France des années 1780 est un pays où trois habitants sur quatre vivent à la campagne. Le pays se trouve dans une triple situation de crise. La crise est tout d'abord économique : la hausse du prix du pain plonge le pays dans la disette. Les crises de subsistance affolent les populations. Au printemps 1789, l'agitation populaire est vive dans les campagnes et dans les villes.
La crise est également sociale : les difficultés économiques déstabilisent une société d'ordres déjà en crise. La paysannerie, dont les revenus s'effondrent du fait des mauvaises récoltes, est plus que jamais incapable de répondre aux exigences seigneuriales et royales.
La crise est enfin politique. La monarchie française a toujours connu un important déficit budgétaire, mais ses difficultés s'accroissent à cette époque. En 1788, l'État est proche de la banqueroute : plus de la moitié de ses revenus est absorbée par le remboursement de la dette.
Seule une réforme fiscale radicale passant par la remise en cause des privilèges pourrait sortir le pays de la crise financière. Mais les contrôleurs généraux des finances, qui tentent de mettre en place un impôt unique payé par tous, se heurtent à l'opposition des parlements. Toutes les tentatives de réformes échouent. Dans l'espoir de mettre fin à la crise, le roi Louis XVI accepte de convoquer les états généraux afin de demander la création de nouveaux impôts. Pour préparer cette consultation, il demande à ses sujets de lui faire connaître leurs revendications : près de 60 000 cahiers de doléances sont rédigés au printemps 1789 et envoyés à la Cour. Il s'agit d'un éclairage exceptionnel sur l'état de l'opinion publique à la fin des années 1780. Le roi a ainsi ouvert un espace de liberté de parole sans précédent pour les Français.
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