Le cartel des quincailleries
Le cartel des quincailleries
Cette société, spécialisée dans la visserie, la quincaillerie et la serrurerie, nait de l’union de manufacturiers et de maitres de forges installés respectivement à Beaucourt et Morvillars, les Japy et les Viellard-Migeon. S’y associent les Laurent de Plancher-les-Mines, Victor de Pruines des forges de Semouse près de Plombières ainsi que l’entreprise Karcher et Westermann d’Ars-sur-Moselle près de Metz. Ils souhaitent ainsi mettre un terme à la concurrence qui les oppose et protéger leurs intérêts face aux entreprises étrangères, tout en veillant à augmenter leurs bénéfices respectifs. Un comptoir est implanté à Fesches-le-Châtel (Doubs), ainsi qu’une succursale à Paris. Dans le cadre de la centralisation de ces opérations commerciales, les prix des marchandises proposées à la vente sont fixés et celles-ci sont proposées dans des catalogues largement diffusés afin de toucher une clientèle plus large.
L’entente économique entre deux grandes familles du bassin industriel du nord de la Franche-Comté dépasse les antagonismes sociaux et religieux (les Japy sont protestants et les Viellard catholiques) et inscrit ce territoire dans une vision moderne de l’entreprenariat.
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Le département, disposant de nombreux atouts naturels tels que cours d’eau, forêts et gisements métalliques, voit dès le XVIème siècle la naissance d’établissements proto-industriels. C’est le cas des installations d’extraction d’argent, de cuivre et de plomb autour de Giromagny.
Les moulins, utilisant pour l’essentiel la force hydraulique, sont d’abord liés à l’agriculture locale ; progressivement, leur usage est étendu à l’industrie avec, entre autres, la mécanisation des soufflets de forgeAtelier où l’on travaille les métaux au feu et au marteau. Les ducs de Mazarin, propriétaires des forges de Belfort, Châtenois et Bethonvilliers, s’investissent dans l’activité métallurgique. Il en est de même dans la seigneurie de Grandvillars, où Gaspard de Barbaud fonde une forgeAtelier où l’on travaille les métaux au feu et au marteau en 1674 ainsi qu’un centre industriel à Morvillars. Ce sont les prémices de l’aventure sidérurgique que Pierre de la Bassinière, son successeur, poursuit avec la création de six autres établissements à caractère proto-industriel à Méziré.
Une production industrielle se développe avec la transformation de la fonte en fer ; les familles Dominé et Viellard se spécialisent dans la production de fil de fer et le tréfilage et construisent un véritable pôle métallurgique sur les communes de Grandvillars, Morvillars et Méziré. A partir de 1856, Juvénal Viellard diversifie la production vers la visserie, la boulonnerie et la quincaillerie avant de se spécialiser en 1910 dans la fabrication de hameçons.
A Beaucourt, la famille Japy se lance dès 1776 dans la production de petites pièces mécaniques et d’ébauches pour montres, en lien avec l’horlogerie suisse et celle du Haut-Doubs. Frédéric Japy, à partir de 1807, donne une grande impulsion à l’entreprise de mécanique de précision et lui permet de se diversifier vers la visserie, la boulonnerie et la quincaillerie. Au cours du XXème siècle, ses activités de fonderie disparaissent, hormis celles très spécifiques comme les pièces d’aluminium.
Sandrine Bozzoli, professeure d’histoire-géographie.