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Le baptême d’un jeune “sauvage” à Auxerre en 1729

Auxerre | Archives départementales de l'Yonne | 1729
Époque moderne | L'Europe et le monde

© Archives départementales de l'Yonne G 1602

Le 4 juin 1729 eut lieu en la cathédrale d’Auxerre une cérémonie inhabituelle, celle du baptême d’un jeune « sauvage » d’une dizaine d’années originaire d’une tribu amérindienne de Louisiane, après six mois de catéchèse. Le jeune Palimengo a été ramené en France par la famille Guénot qui a vécu plusieurs années en Louisiane.

Ce baptême a été inscrit sur le registre de la paroisse de ses maîtres, mais il a aussi fait l’objet d’un long acte copié dans un registre de la cathédrale. Ce registre paroissial (p. 241 et 380-381) indique également son décès moins de trois ans plus tard.

De telles cérémonies, baptême d’un « adulte » et d’un non-européen, étaient rares ce qui explique à la fois la solennité de la cérémonie – présidée par l’évêque d’Auxerre, la veille de la Pentecôte comme si l’Esprit saint s’apprêtait à descendre sur ce jeune « sauvage » – et le retentissement qui en a été fait : l’abbé Lebeuf en a tiré un article de neuf pages pour le numéro de juin 1729 du Mercure de France.

En savoir plus

Il était habituel, pour les Européens aisés qui s’installaient en Amérique pour un temps plus ou moins long, d’acheter sur place des esclaves, y compris des Amérindiens et pas seulement des Africains amenés là par la traite : les textes de l’époque distinguent d’ailleurs parmi les esclaves les « noirs » et les « sauvages ». Des enfants, en particulier des enfants de chefs de tribus, pouvaient aussi être confiés aux Français comme gage à la suite d’une défaite. C’est peut-être ce qu’il s’est passé pour le jeune Palimengo, fils d’un chef chitimacha : entre 1706 et 1718 ce peuple a en effet pris les armes contre les Français qui ont colonisé la Louisiane à partir des dernières années du XVIIe siècle et a été battu.

Deux hommes de la famille Guénot étaient présents en Louisiane en 1717 et peut-être plus tôt encore : à cette date, ils faisaient partie d’envoyés apportant des cadeaux à des chefs de la tribu Toqui-Patchi dans le but de les détacher des Anglais, dans le cadre de la rivalité franco-anglaise en Louisiane. Un Guénot a participé à la fondation de la Nouvelle-Orléans trois ans plus tard et un autre, ou le même, a fait partie d’un groupe d’officiers sur la concession Sainte-Catherine qui a été attaquée en 1722 par les Natchez, alliés des Anglais ; ce Guénot a d’ailleurs été blessé lors de cette attaque. Il est difficile, sans une étude beaucoup plus approfondie, de savoir quel a été le rôle exact du maître du jeune Palimengo, Pierre Guénot de Tréfontaine, en Louisiane mais il est vraisemblable qu’il a acheté le jeune garçon ou que celui-ci lui a été offert.

Il est impossible de savoir quel était son statut exact et il n’est pas certain qu’on se soit alors posé la question. Officiellement, sur le territoire métropolitain et en tant que chrétien, il ne pouvait être considéré comme un esclave au sens juridique du terme. Il était sans doute un serviteur de la famille,  mais totalement dépendant de ses maîtres puisque sans proches ni connaissances.

Nathalie Verpeaux, professeure d’histoire-géographie.

Contexte

Au temps de la traite transatlantique 

Les traites sont un phénomène ancien car l'esclavage existe depuis l'Antiquité. La traite transatlantique se met en place au XVIe siècle et dure jusqu’au XIXe siècle. De 11 à 15 millions de captifs africains ont ainsi été déportés vers les colonies européennes d'Amérique ou vers l'Océan indien. Les esclaves noirs représentent une main-d'œuvre nombreuse et bon marché. Des navires européens quittent les ports négriers comme Nantes ou Liverpool. Ils s'arrêtent en Afrique de l'Ouest où ils échangent des esclaves contre des produits européens. Puis, c'est la traversée vers les colonies. De nombreux esclaves meurent durant ce voyage. Ceux qui arrivent sont vendus et travaillent principalement dans les plantations. Le Brésil et les Antilles sont les principales destinations des navires négriers. Ensuite, les bateaux reviennent en Europe chargés de produits coloniaux comme du coton, du café ou du sucre. On parle de commerce triangulaire. Le voyage total pouvait durer deux ans et demi.  

Le travail le plus épuisant est celui de la culture de la canne à sucre et il est rythmé par le fouet. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec le développement de l'économie de plantation, la traite connaît un essor important. Au XVIIIe siècle, des centaines de milliers d'esclaves travaillent dans les plantations. À la même époque, d’abord en Angleterre, un courant en faveur de l'abolition de l'esclavage se développe. 

L'Europe et le monde au XVIIIe siècle

Depuis le XVIe siècle, l'Europe a pris pied sur tous les continents et chaque grande puissance possède des territoires qui forment des colonies. La France et le Royaume-Uni comptent parmi les principales puissances coloniales. Les rivalités entre ces puissances s’accroissent. Au début du XVIIIe siècle, les navires européens circulent avec de nombreux produits. Le commerce triangulaire se développe.

Cette ouverture sur le monde influence le mode de vie des Européens. Les récits de voyage donnent naissance à l'étude des peuples, tandis que les philosophes opposent à l'Européen, corrompu par la civilisation, le bon sauvage des îles. On dit parfois que les Européens ont amorcé là une première mondialisation. Certains paysages européens changent, comme en témoigne le développement des ports atlantiques à Bordeaux, Nantes, etc.

Cependant, ce n'est pas l'ensemble du continent européen qui est concerné par ces évolutions.

Des marins comme James Cook continuent d’explorer le monde. Ils ont des objectifs précis à leurs expéditions. Lors de son troisième voyage par exemple, il recherche les possibilités d'un passage par le nord-ouest. Ce trajet permettrait de se rendre plus rapidement en Asie. James Cook cherche longuement mais ne trouve rien à cause des glaces. Il faudra attendre le XXe siècle pour que ce chemin soit emprunté.

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Document(s)

Baptême d’un jeune ”sauvage” – transcription

Transcription du compte-rendu du baptême dans le registre de l’évêché d’Auxerre

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