L’article 29 du cahier de doléances de Champagney
Antoine Priqueler officier de la garde du roi Louis XVI, proche de La Société des amis des Noirs, évoque le sort tragique infligé aux esclaves noirs dans le cadre de la traite. C’est ainsi que les signataires du cahier de Champagney ajoutent à leurs revendications l’article 29 demandant au roi pour la première fois collectivement en France, l’abolition de l’esclavage. Ce texte est unique, car parmi les 2000 cahiers rédigés en France en 1789, il ressort que 21 seulement se montrent en faveur de l’émancipation des Noirs et en faveur de la cessation du commerce des esclaves. Mais tous reflètent l’ambivalence de la pensée abolitioniste de l’époque entre souci humanitaire et préservation de la richesse des colons. Seul le cahier de Champagney s’inscrit dans une demande humanitaire désintéressée.
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Pour faire face à la situation financière catastrophique du royaume, le roi Louis XVI décide au mois d’août 1788 de convoquer les Etats généraux pour le 1er mai 1789. Ils n’avaient plus été convoqués depuis 1614. Plus de 60 000 cahiers de doléances sont rédigés entre le mois de mars et le mois de mai 1789.Tous les hommes âgés de 25 ans et plus et payant l’impôt peuvent participer à leur rédaction. Dans le bailliage d’Amont (la Haute-Saône actuelle), leur rédaction débute aux alentours du 20 mars 1789 après la publication de la lettre du roi. En même temps, chaque communauté va élire ses députés à l’Assemblée générale du bailliage. Les doléances montrent que la plupart des Français attendent effectivement des réformes importantes de la part du pouvoir royal. Ils permettent aussi de constater que la plupart des privilégiés (Clergé et Noblesse) ne sont pas prêts à accepter ces changements.
Les cahiers de doléances se ressemblent beaucoup et les mêmes articles sont parfois reproduits dans plusieurs communes. Le cahier de doléances de Champagney est plus original que les autres, car l’article 29 demande au roi pour la première fois en des termes énergiques l’abolition de l’esclavage. En 1789 Champagney compte environ 200 feux (foyers). La grande majorité des habitants sont pauvres (paysans, bûcherons, mineurs) vivant sur cette terre au climat très rude. L’hiver 1788-1789 a été très dur et les habitants souffrent de la disette. A ces conditions s’ajoutent la pression des impôts. A l’occasion de la préparation des états généraux, le curéPrêtre chargé d’une cure, fonction de direction spirituelle et d’administration d’une paroisse. leur demande en chaire de se réunir pour rédiger leurs doléances qui sont identiques à celles des autres communautés de la province : égalité devant l’impôt, abolition des privilèges…La présence parmi eux d’Antoine Priqueler un officier de la garde du roi sera déterminante.
Didier Roux, professeur d’histoire-géographie, détaché aux Archives de Haute-Saône.
Contexte
La France à la veille de la Révolution
La France des années 1780 est un pays où trois habitants sur quatre vivent à la campagne. Le pays se trouve dans une triple situation de crise. La crise est tout d'abord économique : la hausse du prix du pain plonge le pays dans la disette. Les crises de subsistance affolent les populations. Au printemps 1789, l'agitation populaire est vive dans les campagnes et dans les villes.
La crise est également sociale : les difficultés économiques déstabilisent une société d'ordres déjà en crise. La paysannerie, dont les revenus s'effondrent du fait des mauvaises récoltes, est plus que jamais incapable de répondre aux exigences seigneuriales et royales.
La crise est enfin politique. La monarchie française a toujours connu un important déficit budgétaire, mais ses difficultés s'accroissent à cette époque. En 1788, l'État est proche de la banqueroute : plus de la moitié de ses revenus est absorbée par le remboursement de la dette.
Seule une réforme fiscale radicale passant par la remise en cause des privilèges pourrait sortir le pays de la crise financière. Mais les contrôleurs généraux des finances, qui tentent de mettre en place un impôt unique payé par tous, se heurtent à l'opposition des parlements. Toutes les tentatives de réformes échouent. Dans l'espoir de mettre fin à la crise, le roi Louis XVI accepte de convoquer les états généraux afin de demander la création de nouveaux impôts. Pour préparer cette consultation, il demande à ses sujets de lui faire connaître leurs revendications : près de 60 000 cahiers de doléances sont rédigés au printemps 1789 et envoyés à la Cour. Il s'agit d'un éclairage exceptionnel sur l'état de l'opinion publique à la fin des années 1780. Le roi a ainsi ouvert un espace de liberté de parole sans précédent pour les Français.
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