La situation des ouvriers à Dole en 1888
Le docteur Rouby est connu sur Dole pour être responsable d’un asile. Dans son rapport, Il s’agit de relater les difficiles conditions de vie du monde ouvrier dans cette ville en 1888. Ainsi, il prend l’exemple d’une famille doloise de 8 enfants. Le salaire du père de famille est de 2,5 francs par jour. Le docteur fait la liste détaillée de ce que l’ouvrier peut acheter quotidiennement. Les dépenses du foyer sont le loyer du logement, souvent réduit à une pièce, le charbon pour se chauffer et cuisiner, et la nourriture essentiellement composée de pain, de lait et de graisses (beurre, saindoux…). Le docteur Rouby remarque que le régime alimentaire d’une famille ouvrière est déséquilibré. Le rapport fait aussi ressortir ce que la famille ne peut pas s’acheter et qui est pourtant essentiel : des habits, des ustensiles de cuisine. Les besoins essentiels ne sont donc pas couverts par le travail du père. Le rapport évoque également le chômage et ses conséquences pour la famille.
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La couverture et le début de l’ouvrage n’indiquent pas les intentions de l’auteur : est-ce un rapport écrit à la demande de l’autorité munucipale ou s’agit-il d’un travail spontané réalisé par un homme sensible au destin de ses semblables ? Le début de l’extrait montre des lettres que le docteur Rouby reçoit et dont il se fait le témoin. En tout état de cause, la suite de l’extrait présenté ici est un appel à la solidarité municipale. Le docteur Rouby interpelle les élus municipaux en faisant la demande d’une aide publique nécéssaire pour lutter contre la misère des familles ouvrières. Il demande la mise en place d’une soupe populaire afin de préserver la santé de ces familles. Le texte explique que touché par le chômage, le père ne travaille plus, et qu’il n’a donc plus de salaire. A cette époque le statut des ouvriers peu qualifiés est d’une extrême précarité, employés parfois à la journée selon le volume des commandes de l’usine. Mais sans travail, il n’y a aucune aide extérieure, la famille est contrainte de s’endetter, ou de mendier. Le texte présenté se termine par une interpellation des lecteurs, en leur faisant prendre conscience des inégalités très fortes que l’on observe en cette fin de XIX ème siècle ; « Dolois qui, ce soir, vous vous mettrez à table devant un bon souper, dans une chambre bien chaude en face de vos enfants aux joues roses et bien nourris, souvenez-vous (…) »
Contexte
Le monde ouvrier
Le monde ouvrier vit au début de l'industrialisation dans une grande misère qui contraste avec l'aisance de la bourgeoisie. Le paroxysme est atteint dans les années 1830-1840. Les familles touchent des salaires journaliers juste au niveau du minimum vital. Le temps de travail n'est pas réglementé. Avant les lois limitant le travail des enfants, il n'est pas rare de voir des petits ouvriers âgés de 8 ans travailler jusqu'à 16 heures par jour ! Dans les ateliers comme dans les villes industrielles, on respire un air chargé de fumée et de particules toxiques.
Des médecins rédigent des rapports qui montrent les conditions sanitaires épouvantables des familles ouvrières de cette époque. Les logements sont insalubres et surpeuplés. Les familles habitent dans les greniers ou les caves. À Londres, la classe ouvrière s'entasse dans de véritables taudis. Le rachitisme des enfants est fréquent. Devant ces aspects les plus révoltants, l'État intervient timidement. En 1841, le travail des enfants de moins de 8 ans est interdit en France. Des patrons mènent une action paternaliste. Ils assurent le logement et une certaine protection sociale à leurs ouvriers. Globalement, la vie ouvrière reste cependant très dure.
Il faut néanmoins se garder d'une vision trop misérabiliste de la condition ouvrière au XIXe siècle. Cette classe sociale développe une sociabilité et des solidarités qui lui font peu à peu prendre conscience d'elle-même et de ses intérêts. Une véritable culture ouvrière s'affirme. Elle se caractérise par la fréquentation des cafés, les promenades, des fêtes, mais aussi la mise en place de caisses mutuelles de solidarité contre les risques de l'existence et de bourses du travail. Les luttes ouvrières s'organisent. Ces combats ouvriers et les pressions syndicales et politiques contribuent à améliorer les conditions de vie et de travail au cours du XIXe siècle. Les ouvriers se nourrissent mieux. La hausse des salaires permet à certains d'acheter des biens de consommation.
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