La poêle à sel
Visible dans le bâtiment d’évaporation de la Grande Saline de Salins-les-Bains, cette poêle à sel est la dernière poêle ancienne de France : elle date du XIXe siècle, époque à laquelle le passage au charbon conduit à une évolution du système de chauffe. Située au-dessus des foyers, la poêle est une cuve métallique rectangulaire, constituée de plaques d’acier rivetées, qu’on remplissait d’eau salée puisée dans la galerie souterraine. Cet objet de grande taille – 17,50 mètres de long par 4,20 mètres de large – était chauffé en continu pour évaporer la saumure et en recueillir le sel. Cette poêle permet de découvrir les conditions de travail des sauniers, qui œuvraient dans une atmosphère étouffante à environ 50°C et 80% d’humidité. Contrairement au sel marin obtenu par évaporation de l’eau sous l’effet du vent et du soleil, le sel produit en Franche-Comté et à la Grande Saline de Salins est obtenu grâce au chauffage artificiel : il est appelé sel ignigène (du latin ignis = feu).
En savoir plus
Salins-les-Bains doit son nom à la présence de sources salées exploitées pendant au moins 1200 ans pour produire du sel. L’eau salée est aujourd’hui utilisée aux thermesBâtiment abritant les bains publics de l’Antiquité., nés au XIXe siècle. Les infiltrations d’eau de pluie entrent en contact dans le sous-sol avec les couches salifères, formées il y a 210 millions d’années, se chargent de sel et donnent naissance à des sources d’eau salée. Après pompage, la saumure est amenée dans les poêles. Elle est chauffée par des feux situés sous les cuves d’évaporation, alimentés nuit et jour par les chauffeurs, afin d’évaporer l’eau et permettre la cristallisation du sel. Les dessins d’Anatoile Chastel au XVIIe siècle permettent de comprendre le fonctionnement des poêles lors de la chauffe au bois. Ce sont alors de vastes cuves ovales, peu profondes, constituées de plaques métalliques rivetées. Elles étaient suspendues afin de laisser suffisamment d’espace pour charger le bois. Le chauffage de la saumure, appelé cuite ou remandure, se fait par étapes. La poêle est remplie petit à petit, le feu devenant de plus en plus intense. Une fois la poêle pleine, le feu est attisé pour porter l’eau à ébullition. Puis il est réduit jusqu’à ce que le sel se « forme ». Autour de la poêle, les tiraris de sel (femmes en charge du tirage du sel, remplacées au XIXe siècle par les sauniers), s’activent dans une chaleur étouffante. A l’aide de râbles, elles récupèrent le sel qui est ensuite transporté dans les greniers avant d’être conditionné. Pour des raisons économiques, le charbon est adopté au XIXe siècle. Il permet de transformer la chauffe en adoptant le système romain d’hypocauste. Les poêles rectangulaires sont alors posées sur des chandelles en fontes. A une extrémité, le foyer, alimenté par les chauffeurs au niveau inférieur, dégage de l’air chaud et des fumées qui circulent sous la poêle. A l’autre extrémité, des ouvertures reliées à de grandes cheminées permettent l’évacuation des fumées. Les ouvrier-e-s bénéficiaient de nombreux avantages sociaux comme l’a montré l’historien Paul Delsalle. La Grande Saline possède la dernière poêle à sel ancienne de France. C’est un des éléments clé qui a conduit à l’inscription du site au Patrimoine mondial de l’Humanité par l’UnescoOrganisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organisation) créée en 1945. Depuis 1978, l’UNESCO a classé 1154 biens, culturels ou naturels, comme patrimoine mondial. More en 2009. Une poêle miniature permet aux élèves de réaliser les gestes des ouvriers lors de la visite « Ptit saunier »
Sophie-Hélène Rauch, professeure documentaliste missionnée à la Grande Saline.
Contexte
Au XVIIIe siècle en Angleterre, la population augmente. Les besoins en produits fabriqués s'accroissent. Pour répondre à la demande grandissante de cotonnades indiennes, des artisans anglais perfectionnent les machines à filer et les métiers à tisser. La production textile est mécanisée. Les progrès sont extraordinaires : en 1800, un ouvrier dans un atelier de filature file autant avec la nouvelle mule-jenny que 400 personnes avec les anciens rouets ! Dans les années 1760, l'ingénieur écossais James Watt améliore la machine à vapeur. Elle devient un puissant moteur, d'une force bien supérieure à l'homme ou l'animal pour actionner les machines. L'industrie l'adopte rapidement. À partir de 1785, les mules-jennies sont actionnées par la force-vapeur. Une série d'inventions multiplie les nouvelles machines. Les besoins en matériaux et en énergie entraînent l'essor de la sidérurgie et des industries minières. Le textile poursuit son bond en avant. Les usines s'installent dans les régions où les minerais sont extraits, en Angleterre, en France et en Allemagne. Naît ainsi la grande industrie. Elle concentre dans les usines une main-d'œuvre ouvrière qui travaille au rythme des machines. C'est l'ère du machinisme. Certaines usines regroupent des milliers d'ouvriers comme les forges des Schneider au Creusot. Les paysages du Nord-Est de la France, du Massif central ou de la Ruhr en Allemagne se transforment. Ces régions industrielles voient se multiplier les hauts-fourneaux de la sidérurgie, les terrils et chevalement des mines, les grandes cheminées des usines. Ces bouleversements sont désignés par l'expression « révolution industrielle ». Désormais, des historiens préfèrent parler d'industrialisation. Ils insistent sur la lenteur des progrès. Jusqu'en 1850, l'essentiel de la force motrice est toujours fourni par chevaux et moulins ! L'organisation traditionnelle du travail et l'artisanat cohabitent avec les formes modernes de l'industrie durant tout le XIXe siècle.Complément(s)
Autre(s) ressource(s)
Vidéo(s)
Vidéo du fonctionnement de la poêle
Son(s)
Le témoignage audio d’un saunier
Site(s)
Un dossier sur le sel, ses usages et les lieux de production