Jouer à la messe
Jouer à la messe
Dans les trésors des réserves du Musée comtois de Besançon, un objet sorti du passé et de l’enfance vient questionner nos pratiques et l’évolution de notre société. Bleu pour les garçons ? Super-héros ou cow-boy ? Non….tu seras prêtre, mon fils ! Il s’agit d’un jeu de messe , qui fournit tous les éléments en miniature pour pouvoir célébrer comme un vrai prêtre. Viennent-ils tous de la même boîte originale ? Il est possible que non vu leur différence de matériau et de dimension et de l’absence de calice. En haut, on trouve le manipule (porté au bras gauche) et la pale (carré rigide utilisé pour couvrir le calice). En bas : une croix d’autelTable où l’on célèbre la messe., un ostensoir, deux chandeliers, un récipient d’eu nécessaire au lavage des mains, un ciboire (pour les hosties), avec au-dessus les burettes (pour l’eau et le vin qui servent à la communion du prêtre), un petit plateau (ce peut être la patène destinée à recueillir les parcelles d’hosties consacrées ou le support destiné à recevoir les deux burettes), et enfin tout à droite l’encensoir avec sa longue chaîne. On trouve aussi les trois canons d’autelTable où l’on célèbre la messe., un ensemble de textes liturgiques qui sont nécessaires au prêtre et obligatoirement posés sur l’autelTable où l’on célèbre la messe.. Certains jeux de messe, commercialisés au début du XXe siècle, comportaient aussi un maître-autel en carton ou en bois, et pouvaient offrir plus d’une vingtaine d’ustensiles.
En savoir plus
Le début du XXe siècle sont des années difficiles pour l’Église catholique, partout en Europe mais plus particulièrement en France (loi de séparation des Églises et de l’État de 1905). La question du culte public – la propriété des objets cultuels dont les inventaires donnent lieu à des troubles, les processions – génèrent de nombreux conflits locaux. L’Église, privée de position officielle, se recentre sur cette activité qui est au coeur de son identité et de sa raison d’être. Elle éprouve aussi le besoin plus prosaïque d’assurer de nouveaux recrutements.
C’est vers les enfants qu’elle se tourne : en 1907, le pape Pie X encourage la communion précoce (à 7 ans) contre des pratiques plus strictes. En outre, à la même époque, les partisans du « mouvement liturgique » prônent une plus grande participation des fidèles à la messe, et rivalisent de déclinaisons ludiques pour intéresser les plus jeunes : tableaux à découper, à colorier, jeux de cartes etc.
Le jeu de messe n’est donc pas une activité sacrilège ou transgressive. Il est proposé par des fabricants et des librairies catholiques. Il est offert par les familles aux garçons dans l’espoir que naîtra une vocation. Les textes des canons d’autelTable où l’on célèbre la messe. sont reproduits avec une grande fidélité, et les objets liturgiques obéissent à une facture simple et réduite mais tout à fait conforme aux originaux. Ces jeux ont ainsi pu être recommandés au risque que leur usage ait pu être détourné.
Contexte
Croire et prier : le catholicisme en France, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle
L'industrialisation et l'urbanisation au XIXe siècle bouleversent la société traditionnelle. Dans le monde ouvrier notamment, on assiste à un recul de la pratique religieuse.
Pourtant, elle ne disparaît pas. Le catholicisme reste fortement ancré dans la France rurale. Le XIXe siècle est même marqué par un regain de ferveur religieuse. Le culte de la Vierge se manifeste par des « apparitions » comme à Lourdes. Le train rend possible les grands pèlerinages qui connaissent un réel engouement.
L'Église reste très présente dans les œuvres d'assistance et dans l'enseignement. De nombreuses congrégations religieuses sont fondées pour ces actions sociales ou pour accompagner les missions.
L'essor des sciences remet en cause la vision religieuse du monde. L'Église catholique est sur la défensive. Le pape Pie IX condamne en 1864 dans les 80 articles d'un syllabus les « erreurs » du monde moderne : le rationalisme, le libéralisme, le socialisme, la liberté de conscience, la laïcité, etc. Les traditionalistes se font les fervents défenseurs de la foi traditionnelle.
L'Église multiplie en France les missions qui installent dans le paysage de nombreux calvaires et des statues de la Vierge. À la fin du XIXe siècle, ces sculptures se dressent dans les villages face aux statues de la République.
L'opinion catholique est dans sa majorité hostile à la République laïque et son école « sans Dieu ». Pour les anticléricaux, l'influence de l'Église est encore trop forte. Les affrontements ne sont pas rares entre « calotins » et « républicains ». À la fin du XIXe siècle, le cardinal Lavigerie demande aux catholiques de se rallier à la République. Les troubles lors de la loi de séparation de l'Église et de l'État en 1905 montrent cependant que les relations restent difficiles. Il faut véritablement attendre la Première Guerre mondiale pour que catholiques et républicains se retrouvent dans un même élan de défense de la Patrie.
retour