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Inventaire d’une plantation sucrière

Belfort | Territoire de Belfort | Archives départementales du Territoire de Belfort | 1754
Époque moderne | L'Europe et le monde

© Archives départementales de Belfort, 1 J 1127

Le 26 juin 1754, Maitre Delau, notaire au Cap-Français (Saint-Domingue) dresse l’inventaire de la plantation Le Bonnet. Ce document accompagne l’acte de vente de la plantation, par Jean Joseph de Marans, comte d’Estillac et son épouse Marie Elisabeth Allaire du Langot aux frères d’Aubarède, en date du 6 février 1756. Par quel hasard ce document remarquable est-il retrouvé 250 ans plus tard dans le fonds des Archives départementales du Territoire de Belfort ? Les frères d’Aubarède appartiennent à la noblesse ; alors que l’ainé, Guillaume Claude, lieutenant du roi pour la place de Belfort, rejoint son poste et y représente le roi en l’absence de gouverneur, le cadet, Jean-Anthelme, qui devait partir gérer la plantation de SaintDomingue, renonce à ses engagements, contraignant son frère à trouver un nouvel associé, Guillaume Claude Besson. Un nouveau contrat est établi à Belfort devant Maitre Roussel, l’inventaire devant faire office de pièce justificative, a été conservé dans les archives notariales.

En savoir plus

La plantation (aussi appelée « habitation ») Le Bonnet est créée au début du XVIIIème siècle au lieu-dit le Grand Boucan, dans la paroisse de la Plaine du Nord, à une dizaine de kilomètres de Cap-Français. Il s’agit d’une plantation sucrière qui connut huit propriétaires successifs et fut essentiellement gérée par des régisseurs. L’inventaire dresse un tableau très précis de sa composition et permet d’en comprendre le fonctionnement ; d’une superficie évaluée à 250 carreaux (soit environ 322,5 ha, 1 carreau = 1,29ha), 108 ha sont destinés à la culture de la canne à sucre et 82 ha à des cultures vivrières, pour l’alimentation des esclaves. Elle comporte des infrastructures liées à la production du sucre, ainsi qu’une forge, un logis principal (« la grand’case » servant « à loger les Blancs »), 32 « cases à nègres » ainsi qu’un hôpital pour les esclaves. Ceux-ci, hommes, femmes et enfants, au nombre de 149, sont recensés par leurs prénoms, avec parfois mention de leur origine ou filiation. Indispensables au fonctionnement de la plantation, ils figurent dans cet inventaire entre la liste des outils et celle du bétail. Quatre fers « à étamper » pour le marquage des esclaves et des animaux, aux initiales du propriétaire, apparaissent également dans cette liste. Deux catégories d’esclaves sont inventoriées, les uns affectés aux travaux des champs, les autres dits « esclaves à talents », spécialisés à la transformation du sucre.

Un second inventaire, dressé en 1769, dénombre toujours 149 esclaves dont le renouvellement a été pour l’essentiel assuré par la reproduction naturelle, fait le constat d’une dégradation notable des bâtiments. Soumise à des difficultés financières constantes, au prix croissant des esclaves, dans un modèle économique et liberticide en déclin, la plantation survit mais ne résistera pas à la destruction par un incendie lors de la révolte des esclaves en 1792.

Sandrine Bozzoli, professeure d’histoire-géographie

Contexte

Au temps de la traite transatlantique 

Les traites sont un phénomène ancien car l'esclavage existe depuis l'Antiquité. La traite transatlantique se met en place au XVIe siècle et dure jusqu’au XIXe siècle. De 11 à 15 millions de captifs africains ont ainsi été déportés vers les colonies européennes d'Amérique ou vers l'Océan indien. Les esclaves noirs représentent une main-d'œuvre nombreuse et bon marché. Des navires européens quittent les ports négriers comme Nantes ou Liverpool. Ils s'arrêtent en Afrique de l'Ouest où ils échangent des esclaves contre des produits européens. Puis, c'est la traversée vers les colonies. De nombreux esclaves meurent durant ce voyage. Ceux qui arrivent sont vendus et travaillent principalement dans les plantations. Le Brésil et les Antilles sont les principales destinations des navires négriers. Ensuite, les bateaux reviennent en Europe chargés de produits coloniaux comme du coton, du café ou du sucre. On parle de commerce triangulaire. Le voyage total pouvait durer deux ans et demi.  

Le travail le plus épuisant est celui de la culture de la canne à sucre et il est rythmé par le fouet. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec le développement de l'économie de plantation, la traite connaît un essor important. Au XVIIIe siècle, des centaines de milliers d'esclaves travaillent dans les plantations. À la même époque, d’abord en Angleterre, un courant en faveur de l'abolition de l'esclavage se développe. 

Complément(s)

Autre(s) ressource(s)

Elodie GENTIER LAMBERT, « Habitant, un difficile métier ? L’exemple de l’habitation Le Bonnet, à Saint-Domingue »

Mémoire de master, septembre 2021.

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