retour

Guillaume Touchemoulin, un Bourguignon dans la traite des esclaves (1742)

Macon | Saône-et-Loire | Archives départementales de Saône-et-Loire | 1742
Époque moderne | L'Europe et le monde

© Archives départementales de Saône-et-Loire, F449/4

Ce courrier du 29 mai 1742 fait partie d’une série de six lettres, s’échelonnant de novembre 1741 à octobre 1753, toutes écrites par Guillaume Touchemoulin à ses parents demeurant à Chalon-sur-Saône. Il rédige la première lorsqu’il accoste le golfe de Guinée près du fort de Cormantin. Le cachet de La Rochelle a permis d’identifier le port d’attache, puis à l’aide à la base de données du site slavevoyages.org de découvrir le nom du bateau, puis grâce au livre de compte de la cargaison et au tableau des marchandises tenus par le capitaine (conservés aux Archives départementales de la Charente-Maritime sous la cote E 512), des détails de l’expédition. Cette troisième lettre, datée du 29 mai 1742, a été écrite lorsque le bateau, chargé d’esclaves, jette l’ancre dans le port de Saint-Marc sur l’île de Saint-Domingue. Touchemoulin y relate les problèmes rencontrés lors de la navigation : tempêtes, révolte d’esclaves à bord, maladie contagieuse et incendie ; il annonce aussi à ses parents qu’il compte s’installer en Amérique dans le but de s’enrichir.

En savoir plus

Agé de 19 ans, Guillaume Touchemoulin est engagé par le capitaine Pierre Bonfils comme novice à bord du navire négrier La Bellonne, propriété de l’armateur Pierre Lamaud. Le 3 juillet 1741, le bateau, rempli de marchandises, appareille pour le golfe de Guinée pour pratiquer la traite des esclaves. Le livre de compte de la cargaison ainsi que le tableau des marchandises tenus par le capitaine permettent de reconstituer le trajet du bateau et les achats d’esclaves. Après une période d’hivernage, la Bellonne reprend la mer le 2 mars 1742 pour franchir l’Atlantique avec à son bord 341 esclaves. Après deux mois de traversée périlleuse, le bateau accoste dans le port de Saint-Marc à Saint-Domingue. Les 222 esclaves survivants (soit près de 35 % de pertes) sont vendus et Touchemoulin annonce à ses parents qu’il va s’installer à Saint-Domingue pour faire fortune. La Bellone, chargée d’indigo et de sucre, repart pour La Rochelle, où elle arrive le 13 octobre 1742.

En novembre 1750, Touchemoulin informe ses parents qu’il vient d’acheter une terre dans le quartier de L’Artibonite pour la somme de soixante-dix mille livres. Cet achat est à l’origine de problèmes financiers, dont Touchemoulin fait mention dans les lettres suivantes. Il s’est endetté pour six ans et doit nourrir 35 esclaves, alors que son exploitation ne lui procure pas encore de revenu. En 1753, il épouse Geneviève Bordin, une créole de 17 ans, qui lui donne un fils, Charles Guillaume, l’année suivante.

Devenu capitaine des dragons de la milice, Touchemoulin achète une deuxième propriété et une trentaine d’esclaves. Sa réussite et son enrichissement sont indéniables. Son élevage est même remarqué par Moreau de Saint-Méry dans sa description de Saint-Domingue en 1789.

Jean-Christophe Martin, professeur d’histoire, missionné aux Archives.

Contexte

Les traites sont un phénomène ancien car l'esclavage existe depuis l'Antiquité. La traite transatlantique se met en place au XVIe siècle et dure jusqu’au XIXe siècle. Les esclaves noirs représentent une main-d'œuvre nombreuse et bon marché. Des navires européens quittent les ports négriers, s'arrêtent en Afrique de l'Ouest où ils échangent des esclaves contre des produits européens. Puis, c'est la traversée vers les colonies, au cours de laquelle de nombreux esclaves meurent. Ceux qui arrivent sont vendus et travaillent principalement dans les plantations. Ensuite, les bateaux reviennent en Europe chargés de produits coloniaux comme du coton, du café ou du sucre. On parle de commerce triangulaire. Ainsi, de 11 à 15 millions de captifs africains ont ainsi été déportés vers les colonies européennes d'Amérique ou vers l'Océan indien. Pour la France, c’est en 1642, que Louis XIII légalise la traite par un édit et c’est en 1685 que Louis XIV encadre l’esclavage par le Code noir. En 1763, après la défaite française dans la guerre de Sept Ans, Louis XV se détourne de la Nouvelle-France et s’intéresse désormais aux « îles à sucre » (Saint-Domingue, Guadeloupe, Martinique, …). Cette réorientation, visant à faire de la France le principal pays fournisseur de l’Europe en denrées coloniales (sucre, café, …), accentue l’économie de plantation et, par répercussion, la traite, qui atteint son apogée dans les années 1780 pour la France. Saint-Domingue devient alors « la perle des Antilles » pour le commerce colonial français mais elle absorbe la moitié de la totalité de la traite atlantique, soit 40 à 45 000 esclaves chaque année. En 1788, les esclaves représentent 89 % de la population de Saint-Domingue. La période révolutionnaire entraîne d’importants bouleversements dans l’île avec des révoltes d’esclaves à partir de 1791 puis l’abolition de l’esclavage en 1793, puis l’indépendance sous le nom de la République d’Haïti en 1804.

Complément(s)

Autre(s) ressource(s)

 

Transcription du document

Image(s)

 

Suite et fin du courrier

 

 

 

 

 

 

© Archives départementales de Saône-et-Loire, F449/2Autre exemple de courrier (½)

© Archives départementales de Saône-et-Loire, F449/2

 

 

 

 

 

 

 Autre exemple de courrier (2/2)

© Archives départementales de Saône-et-Loire, F449/2

 

 

 

 

 

 

 

 

Abonnez-vous à notre lettre d'information !

et restez informé(e) de l'actualité du site

retour