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Eglise Sainte Bernadette du Banlay

Nevers | Nièvre | 1965
Époque contemporaine | La France après 1945

© Nevers Ville d'Art et d'Histoire

L’Eglise Sainte Bernadette du Banlay a été conçue en 1964-65 par Claude Parent et Paul Virilio. Elle a été réalisée à l’occasion d’un concours lancé en 1963 par Monseigneur Vial et l’Abbé Bourgoin souhaitant renouveler l’image de l’église à travers une création architecturale contemporaine témoin de son temps.
Sa forme est constituée de deux coques de béton s’imbriquant l’une dans l’autre en se décalant par rapport à l’axe longitudinal. Elle évoque un bunker, un rocher ou une grotte.
Elle est construite comme une crypte suspendue dont la forme rappelle celle d’un cœur. Le béton armé, matériau principal, s’affiche tant en façade qu’à l’intérieur. Il en est le matériau structurel, libérant la construction d’une organisation contrainte par la nécessité des murs porteurs.
Le mobilier est lui aussi constitué de matériaux bruts. D’épaisses planches de bois posées sur des pieds en béton se confondant avec le sol forment les bancs sur lesquels s’assoient les fidèles. Le mobilier de culte, autel et tabernacle, les bénitiers des chapelles du réez de chaussé sont constitués de granit brut accentuant l’effet monolithique de l’édifice.
L’ensemble présente en dépit d’un extérieur austère une étonnante intimité.

En savoir plus

L’église Sainte Bernadette est classée monument historique depuis 2000. Elle demeure aujourd’hui la seule architecture représentante de « la fonction oblique », un concept architectural développé par Claude Parent et Paul dans le groupe Architecture principe. Un seul autre bâtiment administratif a été construit, mais il est aujourd’hui détruit. La fonction oblique marque le désir de créer une continuité entre le sol et l’élévation, avec la volonté de dynamiser le rapport de notre corps à l’espace au quotidien. Les responsables du culte souhaitent renouveler l’image de l’église à travers le langage architectural contemporain.

Les courbes sont pleines, gracieuses, l’angle saillant est supprimé. Claude Parent et Paul Virilio explorent la cassure et le basculement. Les deux coques de béton, lourdes masses en tension, s’élèvent en porte à faux sur un pilier central qui en constitue le point d’articulation. Le puits de lumière central à cet endroit apparait comme une faille dans le bloc monolithique. Associé aux façades opaques simplement munies de petites ouvertures rappelant les hublots d’un paquebot, il confère à l’ensemble l’intimité d’un refuge. L’ensemble met en scène la fracture architecturale et nous conduit à repenser la continuité de l’espace par l’expérimentation physique de nouvelles relations à ce dernier. Une sonorité particulière due à la réverbération du béton nu est très présente.
Cet édifice est ainsi le témoin de l’époque troublée de l’après guerre, faite de tensions mondiales dues à la guerre froide avec la menace nucléaire terrorisant les populations.
Les allures de refuge de l’église font coïncider les préoccupations archéologiques et poétiques de Paul Virilio et la posture philosophique de Claude Parent.
Le premier s’intéresse aux bunkers des plages normandes. Il les compare aux mastabas et à l’architecture funéraire en les décrivant comme : « des autels de béton dressés face au vide de l’océan marin ». Claude parents décrit l’église comme « (…) très intentionnelle, où rien n’est laissé au hasard (…) Cette cuirasse, lieu terrible, dont le seuil est difficile à franchir, s’ouvre sur un espace intérieur protecteur.»

Julie Morlon, professeure détachée, Nevers ville d’Art et d’Histoire

Contexte

Croire et prier pour les catholiques au XXe siècle 

Dans les années 1950 et 1960, l'Église essaie d'assurer sa présence au sein d'une société en pleine mutation. Elle s’appuie sur de nombreux mouvements d'action catholique. L'expérience des prêtres ouvriers répond à cette même volonté de s’adresser à des milieux où la référence religieuse disparaît. Certains prêtres ouvriers rejoignent les combats syndicaux, voire politiques, de la classe ouvrière. L'expérience est condamnée par le pape Pie XII. Le concile Vatican II est réuni par le pape Jean XXIII en 1962. Il essaie d'imposer un aggiornamento, c'est-à-dire une mise à jour, une réforme de l'Église catholique pour qu'elle s'inscrive pleinement dans le monde moderne. 

Le mouvement œcuménique s'efforce quant à lui de promouvoir l'unité des chrétiens des différentes confessions (catholique, protestante, orthodoxe) et d'encourager des actions communes. 

Ce renouveau de l'Église se traduit aussi par une nouvelle architecture religieuse. Elle est confiée parfois aux architectes et artistes les plus novateurs du temps. Ces derniers, dans les années 1950 et 1960, sont souvent éloignés de toute pratique religieuse. Léger, Matisse, Chagall, Lurçat, Bazaine et Germaine Richier sont ainsi mobilisés par le père dominicain Couturier. Dans cet esprit, Le Corbusier conçoit la chapelle de Ronchamp et le couvent dominicain de la Tourette. 

Malgré ces efforts, la tendance profonde et de longue durée des sociétés d'Europe occidentale reste la déchristianisation. Un certain dynamisme existe encore, l'Église mobilise des foules considérables lors de grands rassemblements. Cependant, chaque génération, depuis des décennies, est moins pratiquante et moins croyante que la génération qui l'a précédée. Il n'y a plus qu'une centaine de prêtres ordonnés par an contre 285 en 1970. Aujourd'hui, 53 % des Français se disent catholiques et 4,5 % sont des pratiquants réguliers. 

Complément(s)

Image(s)

D’autres points de vue sur l’église :

L’artiste Xavier Veilhan a revisité l’espace bâti lors de l’exposition Architectones en 2013.


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