Carnet de voyage en Italie en 1847 par Edmond Monnier (1812-1885)
Ce carnet de voyage en Italie est rédigé entre le 18 mars et le 15 juin 1847, par Eugène Mathieu « Edmond » Monnier (1812-1885). Accompagné de son épouse Marie Elisabeth Bathilde Colette de Baudicour (1829-1920), surnommée Bath dans le carnet, le couple – marié le 9 mars 1847 – visite Florence, Naples, Rome pendant son voyage de noce. Tradition anglaise du début du XIXème siècle et répandue en France à partir des années 1820 sous le nom de « Voyage à la façon anglaise », le voyage de noce à l’étranger était plus particulièrement réservé aux familles aisées.
Edmond Monnier, troisième fils de Marie-Etienne Monnier, devient maître des forges de Baudin en 1849 suite au décès de son père. Située sur le territoire de Sellières et de Toulouse-le-Château, la fonderie de Baudin reste en activité de 1794 à 1959 faisant de ce site industriel un exemple éclatant du patrimoine jurassien. Au XIXe siècle, les forges emploient 200 ouvriers et produisent 1500 tonnes de fonte par an en 1850. La famille Monnier appartenant à la bourgeoisie aisée, ses membres ont tenu également des fonctions politiques et religieuses importantes au niveau local : évêque, sénateur, député, conseiller général et même président du Conseil général. Ainsi Edmond Monnier devient conseiller général du canton de Chaumergy de 1868 à 1871.
En savoir plus
Les archives personnelles de la famille Monnier, conservées dans le fonds d’archives de la fonderie Baudin donné aux Archives départementales du Jura en 2006, contiennent plusieurs carnets de voyages, carnets de croquis (Italie, Forêt Noire, Savoie, Jura…) et documents autour de ces divers voyages (laisser-passer, cartes, notes de voyages, lettres de recommandation, factures d’hôtel…).
Edmond Monnier, influencé par les actions fouriéristes de son frère essaya d’améliorer les conditions de vie de ses ouvriers. Sous l’influence de son épouse Bathilde, il fit construire une chapellePetit lieu de culte construit à la campagne, sur un domaine privé, dans un hôpital… ou partie annexe d’une église qui comporte un autel. néogothique en 1853-1854 sur le domaine des forges, ainsi que le « château », vaste demeure du maître des forges sur le même modèle architectural en 1865, montrant l’intérêt du couple pour le monde artistique. Cet aspect transparaît dans le carnet de voyage à travers les monuments architecturaux et artistiques visités, ainsi que par les carnets de croquis d’Edmond dans lesquels il reproduit des paysages mais aussi des tableaux et sculptures de grands maîtres. Très pieux, Edmond Monnier s’évertue à inculquer la culture religieuse auprès de la main-d’œuvre ouvrière. La visite de nombreux édifices religieux italiens, relatés dans le carnet de voyage, appuie cet aspect de sa personnalité.
Le XIXe siècle est marqué par le mouvement artistique du romantisme. Le voyage devient alors un élément important pour les artistes, les écrivains et les jeunes gens qui ont les moyens financiers de le faire. Les voyages deviennent possibles grâce au développement des routes, des chemins de fer et aux progrès technologiques. Les grands romantiques comme Goethe, Byron, Shelley, sont connus pour leurs voyages. Les écrivains et artistes romantiques, comme Lamartine, Chateaubriand, Gérard de Nerval, Théophile Gautier, Gustave Flaubert, Stendhal… prennent des notes durant leurs voyages, se mettent à rédiger des carnets de voyages, certains avec des croquis comme Victor Hugo, Eugène DelacroixNé en 1798, il appartient pleinement à la génération romantique de la première moitié du XIXe siècle. Il est rapidement reconnu comme le chef de l’Ecole romantique En 1830, il réalise la fameuse Liberté guidant le Peuple, synthèse de sa conception des couleurs et du mouvement. Ses opinions…, Paul Gauguin. C’est dans cette lignée de ces artistes romantiques parcourant l’Europe, en en découvrant les racines artistiques et culturelles et faisant le récit de ces voyages que se situent les carnets de voyage d’Edmond Monnier.
Marie-Cécile Sattonnet, Enseignante-documentaliste missionnée en Service Educatif, Archives Départementales du Jura.
Contexte
Imaginer, penser, créer au milieu du XIXe siècle
Dans les années 1850-1860, l'académisme est remis en cause par le réalisme. Courbet affirme que la peinture « ne peut consister que dans la représentation des choses réelles et existantes ». L'invention de la photographie, qui saisit instantanément le réel, influence le peintre. Comme Gustave Courbet, François Millet fait scandale en peignant des scènes de la vie quotidienne comme le travail des paysans. C'est une rupture par rapport à la hiérarchie classique des genres où la noble peinture d'histoire tient la première place. Les peintres académiques traitent ces tableaux de « caricatures ignobles et impies ». La technique diffère aussi des normes académiques. Moins minutieuse, l'exécution est souvent proche de l'esquisse.
La peinture évolue aussi car de nouvelles techniques changent la perception du réel. La photographie permet de saisir l'instant, de décomposer le mouvement. Le cadrage, la profondeur de champ avec le net et le flou et l'écrasement de l'espace modifient le regard du peintre. La photographie montre la grande diversité des apparences d'un même objet, d'un même lieu ou d'une même scène, en fonction des aspects changeants de la lumière et de l'atmosphère. Le photographe sort de chez lui et saisit la réalité sur le terrain. Le nouveau conditionnement de la peinture à l'huile en tube permet aux peintres de quitter l'atelier pour peindre en plein air.
La volonté de dépeindre le réel touche aussi la littérature, avec des romanciers comme Balzac, Maupassant ou Flaubert. Émile Zola (1840-1902), avec le naturalisme, s'efforce de décrire la réalité sociale qu'il observe par la méthode expérimentale.
Complément(s)
Image(s)
Carnet de croquis d’Italie 1847, dessiné par Edmond Monnier pendant son voyage de noce (Archives départementales du Jura,110 J 974/5)
Carnets de voyage en Allemagne du 12/11/1834 au 30/03/1835 (Archives départementales du Jura, 110 J 975).
Carnet de voyage en Italie, en novembre 1908, rédigé par Madeleine Jourdan-Monnier, accompagnée de son mari (Jean Monnier), de son beau-frère (Monseigneur Laurent Monnier) et de sa belle-mère (Bathilde Monnier). (Archives départementales du Jura, 110 J 1037).
Carnet de voyage en Italie, en mars 1914, rédigé par Jeanne Billaudel-Monnier, accompagnée de sa belle-sœur Jeanne Clause-Billaudel et de Marguerite Billaudel, la fille de cette dernière. (Archives départementales du Jura, 110 J 1037).