Paris vu du Sacré-Cœur, Jules Adler, 1936
Jules Adler (1865-1952), peintre originaire de Franche-Comté et né à Luxeuil-les-Bains, a étudié à l’École des Beaux-Arts de Paris et à l’Académie Julian. Il reçoit une formation artistique rigoureuse et commence à exposer au Salon dès 1888. Alors que la peinture moderne se développe, Adler reste fidèle au courant naturaliste. Surnommé « le peintre des humbles », il porte une grande attention à la vie contemporaine, en peignant des scènes de la vie quotidienne au XIXe siècle : les démunis (La Soupe des pauvres), les rues animées (Le Trottin, Paris au petit matin, Foule en marche), le monde ouvrier (Les Enfourneurs, Mineur de Charleroi, Vieil ouvrier) et les paysages industriels (Paysage industriel, Les Hauts Fourneaux de la Providence). Son tableau La Grève au Creusot, exposé au Salon de 1900, connaît un grand succès. Il témoigne également des horreurs de la Première Guerre mondiale à travers ses photographies et croquis.
En savoir plus
En 1936, durant l’ère du Front populaire, Jules Adler crée sa dernière grande toile, Paris vu du Sacré-Cœur, un tableau plus intime. Cette œuvre est acquise par l’État la même année et déposée au musée des Beaux-Arts de Dole.
Cette grande huile sur toile (2m x 2,75m) représente une vue de Paris depuis la basiliqueEglise ayant acquise une dignité particulière qui peut être un lieu de pèlerinage conservant des reliques prestigieuses, un lieu où s’est déroulé un miracle … du Sacré-Cœur, au sommet de la butte Montmartre. Le panorama de la ville est enveloppé dans une brume gris-bleutée, où les premiers bâtiments en bas de la colline sont distincts, mais ceux qui suivent se confondent. En arrière-plan, plusieurs monuments emblématiques de Paris, tels que la cathédraleÉglise où siège l’évêque. La « cathèdre » est la chaire de l’évêque. Notre-Dame au centre, l’église Saint-Eustache un peu à droite, et le Panthéon derrière, se dessinent dans la brume.
Au premier plan, deux silhouettes vues de dos représentent l’artiste et son épouse. Ils semblent fixer l’horizon dans une atmosphère poétique où le temps semble suspendu. Les tons gris-bleus de la ville donnent une impression de mélancolie, présentant une capitale hors du temps, propice à la contemplation, et où subsiste l’espoir d’éviter une nouvelle guerre. Ce tableau est à la fois une déclaration d’amour et un hommage à Paris, la ville qui l’a tant inspiré.
Hélène Geley, enseignante missionnée au Musée des Beaux-Arts de Dole
Cyril Aubertin, responsable du service des publics au Musée des Beaux-Arts de Dole
Contexte
De la peinture réaliste aux peintres régionalistes
Les peintres réalistes de la deuxième moitié du XIXe siècle redécouvrent le paysage. Ce n'est plus un décor secondaire d'une scène historique comme dans la peinture académique. Il ne se partage plus avec l'anecdote d'une scène bucolique. Il n'est pas, comme chez les romantiques, l'expression d'un état d'âme. Le paysage constitue entièrement le sujet du tableau. Les réalistes veulent peindre le paysage en soi. Si certains continuent de peindre dans leurs ateliers, d'autres les quittent pour observer directement les paysages. C'est notamment la pratique des peintres de Barbizon, à la lisière de la forêt de Fontainebleau. De son côté, Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) travaille particulièrement la lumière. Une atmosphère poétique se dégage de la lumière diffuse et argentée de ses toiles. Réaliste, sa peinture annonce aussi l'impressionnisme.
Parallèlement au paysage, les peintres réalistes comme Courbet entendent représenter la réalité sociale. François Millet (1874-1875) peint des scènes de la vie quotidienne comme le travail des paysans. Sa toile célèbre, L'Angélus, exalte la terre et la sainteté du travail agricole. Le souci du détail réaliste se retrouve dans la peinture allemande, comme chez Wilhelm Leibl (1844-1900), auteur en 1881 des Trois femmes à l'église. Sa peinture est un témoignage de la société qui l'entoure.
Même si l'impressionnisme modifie les façons de percevoir et de représenter la nature, le regard réaliste continuera d'influencer beaucoup de peintres. Au XXe siècle, alors que la peinture évolue vers l'abstraction, certains artistes, insensibles aux modes et aux évolutions, persistent à représenter leur environnement, les paysages comme les gens. Ce type de peintures est particulièrement bien représenté chez les peintres régionalistes. Leurs tableaux sont autant d'hommages à la beauté des paysages façonnés par l'homme et la nature et à la dignité du peuple. Ils traduisent ainsi l'attachement affectueux du peintre pour sa région natale.
Complément(s)
Site(s)
Sur le site de l’Histoire par l’image, une page dédiée à l’œuvre de Jules Adler La grève au Creusot