Juillet 1942 : confier son enfant juif à des non-juifs
La rafle dite du Vel d’Hiv, dans la nuit du 16 au 17 juillet 1942, est généralement considérée comme la première grande rafle en France, mais dans l’Yonne la première rafle a eu lieu quelques jours plus tôt, le 12 juillet. 44 juifs étrangers ou apatrides, non mariés à un(e) Français(e) devaient être arrêtés, tous l’ont été hormis un homme en fuite et une femme hospitalisée.
Il était prévu que seuls les adultes soient emmenés, ce qui posait le problème des enfants qui, eux, devaient être conduits à l’assistance publique d’Auxerre. Les 13 et 14 juillet, des enfants sont confiés par leurs parents à des connaissances, ; c’est le cas d’Émile Cisinski, enfant d’à peine 6 ans né à Paris le 12 août 1942. Son père confie l’enfant au couple Duroux. On ne sait pas ce qui lie les Cisinski, Polonais arrivés en France au début des années 1930 puis à Avallon en 1940 et 1941, et le couple Duroux, de Magny (à 7 km à l’est d’Avallon), si ce n’est que ces derniers semblent avoir déjà gardé l’enfant.
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Comme la plupart des juifs de France, Majer Cisinski et son épouse Ida se sont déclarés comme juifs une première fois en 1940 à Paris et une seconde fois à Avallon le 5 juin 1942. Ida est la première à s’installer à Avallon, en avril 1940 puis elle est rejointe par son mari en juillet 1941. Le 5 juin 1942, lors de leur recensement comme juifs, deux étoiles jaunes sont remises à chacun. Émile, alors âgé de moins de 6 ans, est donc dispensé de son port ; deux étoiles lui sont remises un peu plus tard, sans doute en août lorsqu’il atteint cet âge.
Le 9 juillet 1942, quelques jours avant la rafle, Ida Cisinski, est arrêtée parce qu’elle ne portait pas l’étoile jaune. Un certificat émis par le docteur Jean Koechlin pour des troubles psychiques et physiques a permis sa libération, alors que son époux est arrêté puis libéré au bout de 48 heures. Tous deux sont à nouveau arrêtés à Avallon, le 13 juillet puis transférés à Auxerre ; le sous-préfet d’Avallon prend alors soin d’informer le préfet de la situation médicale d’Ida Cisinski. Néanmoins, le certificat médical n’a pas sauvé Ida Cisinski de la déportation : elle et son époux sont emmenés à Pithiviers le 15 juillet puis déportés deux jours plus tard dans le convoi n°6.
Émile Cisinski, lui, a évité la déportation : comme les autres enfants de juifs arrêtés, il a été amené à l’assistance publique d’Auxerre, le 13 juillet. Trois jours plus tard, il a été confié à Mme Guénin, de Courson-les-Carrières (à 25 km au sud d’Auxerre et 40 km au nord-ouest d’Avallon). On ne sait rien de Mme Guénin et l’enfant devait ensuite être confié à Mme Duroux comme le souhaitait son père. Le 20 août 1942, il est remis au centre Lamarck de l’Union générale des juifs de France (UGIF) dans le 18e arrondissement de Paris. Il quitte ce centre en décembre 1942. En trois ans, il a été placé dans sept familles successives avant d’être retrouvé, en 1945, par son oncle paternel dont la famille, réfugiée en Suisse, avait échappé à la déportation.
Nathalie Verpeaux, professeure d’histoire-géographie.
Contexte
Gouverner, l'État français
Le 10 juillet 1940, les parlementaires français donnent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Son gouvernement supprime la République. Il la remplace par l'État français. Le Maréchal concentre entre ses mains les pouvoirs exécutif et législatif. Le suffrage universel est supprimé.
Le Maréchal bénéficie d'un véritable culte de la personnalité. On célèbre le père de la Patrie, le héros de Verdun.
Il lance la « Révolution nationale ». C'est une revanche sur la tradition républicaine, le Front populaire de 1936 et sur tous les acquis libéraux et démocratiques depuis 1789 !
Cette politique repose sur une idéologie réactionnaire : pour que la France se redresse, il faut revenir aux valeurs traditionnelles exprimées par la devise « Travail, Famille, Patrie ».
Les anciens partis et les syndicats sont interdits et réprimés.
Sans aucune pression allemande, ce gouvernement antisémite promulgue un statut des Juifs. Certains métiers leur sont interdits. La police de Vichy collabore aux rafles. C'est Laval, Premier ministre de Pétain, qui propose aux autorités allemandes de déporter également les enfants des Juifs étrangers. Vichy livre ainsi aux nazis 75 721 Juifs. Seulement 2 500 reviendront des camps de concentration et d'extermination.
L'école est très contrôlée. Des organisations comme les Chantiers de la jeunesse encadrent les jeunes.
La natalité est encouragée. C'est le maréchal Pétain qui instaure la fête des mères en France.
En novembre 1942, les Allemands envahissent la zone sud. La collaboration s'accentue alors. Le régime de Vichy prend des formes qui le rapprochent de plus en plus des fascismes. La Milice pourchasse, aux côtés des Allemands, les résistants.
Si les Français sont dans leur majorité maréchalistes, attachés à la personne de Pétain, ils sont peu pétainistes, c'est-à-dire partisans de la « Révolution nationale ».
Seule une toute petite minorité de Français est franchement collaborationniste. La majorité est surtout préoccupée par les difficultés de la vie quotidienne.