Des clous du murus gallicus
Retrouvés lors de fouillesTravaux qui permettent de mettre à jour et d’étudier les vestiges enfouis des sociétés du passé. sur une des portes de la ville gauloise (oppidum), ces clous en fer ont permis de confirmer le témoignage de Jules César sur le murus gallicus, le système de construction des fortificationsEnsemble des remparts et des ouvrages défensifs édifiés pour protéger une ville ou une place forte gauloises. Il s’agit de poutres de bois liées entre elles par les clous de fer, longs de 15 à 30 cm, calées par une levée de terre qui est protégée du côté extérieur par un parement en pierre. Une maquette du musée de Bibracte montre une interprétation de ce type d’édifice défensif (document complémentaire 1). Même si César se montre précis dans sa description, les archéologues ont longtemps hésité sur les possibilités de reconstituer ce type de fortification. Si le parement en pierre disposé sur la façade du mur ne pose pas de problème, le nombre de clous retrouvés et l’emplacement des poutres n’étaient pas connus avec précision et ont laissé la place à des hypothèses, qui n’ont été dissipées que récemment par des découvertes sur des pans du rempart mieux préservés et grâce à des techniques plus modernes. Attestée par de nombreuses découvertes archéologiques (Lyon, Besançon, Bourges pour les plus récentes en France), ce type de fortification est généralisé sur tous les oppida de Gaule, mais plus généralement dans l’ère de la civilisation celtique en Europe, entre les IIème et Ier siècle avant notre ère.
En savoir plus
La porte du Rebout, l’entrée Sud-Oust de l’oppidum, qui a été fouillée dès la fin du XIXème siècle par Jacques-Gabriel Bulliot et son neveu Joseph Déchelette, puis à nouveau dans les années 1980, a livré de nombreux vestiges prouvant que le murus gallicus était bien présent.
Le rempart dans lequel s’ouvre cette porte avait été construit avec la technique du murus gallicus, minutieusement décrite par Jules César. Elle consiste à armer (renforcer) les talus qui constituent la fortification par des lits de poutres horizontales entrecroisées. Une première restitution du murus gallicus avait été réalisée en 1991. On avait alors restitué l’ossature par des rondins de chêne de 15 à 30 cm de diamètre solidarisées par des clous en fer de 30 cm de longueur, le tout étant rempli de terre et de pierres au fur et à mesure du montage de la structure.
Une première reconstitution a été proposée à partir des données connues en 1991 : on voit bien les longues poutres de bois, clouées entre elles, puis enterrées et enchâssées dans le parement de pierres (document complémentaire 2).
Mais après son effondrement, en 2000, un nouveau mur a été monté et la porte a été reconstitué pour montrer l’ampleur et la taille des fortificationsEnsemble des remparts et des ouvrages défensifs édifiés pour protéger une ville ou une place forte, avec le fossé devant le mur et une palissade au sommet (document complémentaire 3). En 2022, à l’occasion des travaux visant à consolider cette reconstitution, la décision a été prise de démonter cet édifice et de refaire une partie du murus gallicus en tenant compte des avancées des connaissances sur la construction des fortificationsEnsemble des remparts et des ouvrages défensifs édifiés pour protéger une ville ou une place forte gauloises.
Ainsi, l’apparence de la Porte du Rebout a été complètement modifiée : les sections de bois ne sont plus circulaires mais équarries (la section des poutres n’est plus circulaire mais orthogonales), et les poutres longitudinales sont visibles au milieu du parement (auparavant, seules les sections finales, le bout des poutres, étaient visibles). Le document complémentaire 3 illustre le résultat de ce travail de restauration. Ces poutres horizontales en façade renforcent la cohésion de la structure entre les différents éléments, surtout l’armature en bois et le parement en pierre, qui sont indispensables pour compenser la pression exercée par la masse de l’ouvrage sur la façade, et éviter l’effondrement de l’édifice. Si on devait faire une comparaison, l’ossature de bois du rempart joue le même rôle que le ferraillage dans le béton armé. Les poutres, d’une section de 0,2 à 0,3 m, étaient parfois liées par ces grands clous en fer caractéristiques. L’usage de ces clous apparait soudainement à la fin du IIème siècle avant notre ère, en même temps que la technique du murus gallicus. Leur longueur s’allonge avec le temps et leur fréquence à tendance à être plus élevée dans les remparts plus récents (jusqu’à quinze clous par mètre linéaire de parement). L’étude des remparts gauloisNom donné par les Romains aux Celtes installés dans les territoires que ces même Romains nomment les Gaules. Il y a donc un lien très étroit entre ces peuples et ces territoires. Tous les Gaulois sont des Celtes, mais tous les celtes ne sont pas des Gaulois. de Bibracte et d’autres oppida a été réalisée par l’équipe d’archéologues et d’historiens menés par Sophie Krausz de l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Nicolas Anglès, enseignant missionné au Musée de Bibracte.
Contexte
Au temps des Gallo-Romains
Avant la conquête romaine, la Gaule est très peuplée. Elle compte peut-être dix millions d'habitants. Son territoire est prospère. On y cultive du blé, de l'orge, de l'avoine, du millet, des légumineuses. Les techniques agricoles sont élaborées. Les Gaulois utilisent de nombreux outils. L'araire à soc de fer permet de labourer profondément. La moissonneuse mécanique gauloise est admirée des Romains.
La conquête de Jules César finit d'intégrer les Gaulois au monde romain. La romanisation s'accompagne d'un essor du commerce entre les provinces et l'Italie. Le territoire de la Gaule se couvre de voies romaines qui facilitent les échanges. Des bas-reliefs du IIe siècle après J.-C. montrent des bateaux ou des chars à quatre roues chargés de tonneaux sur les routes commerciales reliant la Gaule au reste de l'Empire.
Le vin a été découvert par les Gaulois au contact des Grecs puis des Italiens mais le tonneau et le char à quatre roues sont des innovations gauloises. Les habits gaulois cousus près du corps sont plus pratiques que les drapés romains. Les légionnaires adoptent les braies (pantalons) et les chaussures de cuir des Gaulois. Les marchands commercialisent dans tout l'Empire leur manteau à capuchon.
Après la conquête, les Romains empruntent aux Gaulois leur savoir-faire dans les domaines artisanal et agricole. La prospérité des villae, riches exploitations agricoles, symbolise la réussite de cette synthèse gallo-romaine.