Vente d’esclaves à Richmond
Cette gravure, extraite de l’hebdomadaire français « le Monde illustré » numéro 206 daté du 23 mars 1864, présente un marché d’esclaves à Richmond (Etat de Virginie), alors capitale de la confédération sudiste durant la guerre de Sécession qui opposa les Etats du Nord des Etats-Unis, partisans de l’abolition de l’esclavage aux Etats du Sud, partisans de l’esclavage entre 1861 et 1865.
Si, en 1864, la France ne pratique plus l’esclavage et la traite négrière dans ses colonies depuis 1848, certains états n’y ont cependant pas renoncé malgré les résistances de plus en plus fortes des esclaves et le développement d’un mouvement abolitionniste.
Déshumanisé, considéré comme un simple outil de travail, l’esclave peut être vendu et acheté à tout moment. La vente ne se limite pas aux esclaves « bossales » ou « nouveaux » arrivés par le biais des navires négriers pour alimenter les colonies en main d’œuvre. Elle concerne aussi les esclaves « créoles » ou « faits au pays », c’est-à-dire issus de la reproduction naturelle des femmes esclaves. C’est à la fois un outil de gestion et un moyen de sanction.
La vente, souvent annoncée par voie d’affiche, est présentée de façon édulcorée sur cette gravure, les esclaves sont déshabillés pour être examinés par les éventuels acheteurs en vue de détecter leurs défauts éventuels.
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« On avait vendu mon frère Jim pour habiller la fille de la maîtresse pour son mariage. L’arbre existe toujours où je me tenais à les regarder vendre Jim. J’étais assis et j’ai pleuré, surtout quand ils ont mis les chaînes sur lui pour l’amener… Je n’ai jamais eu de nouvelles depuis. » Ben Johnson
« J’ai vu vendre des esclaves. Je vois encore cette vieille estrade maintenant. Ma cousine Eliza était une bien jolie fille, vraiment mignonne. Son maître était son père. Quand les filles de la grande maison recevaient leurs galants, ils demandaient : « Qui est cette jolie fille ? » Alors on a décidé de se débarrasser d’elle tout de suite. Le jour où on l’a vendue, on s’en souviendra toujours. On l’a déshabillée pour la mettre aux enchères et l’examiner … » Daniel Dowdy.
Ces deux témoignages recueillis entre 1937 et 1941 aux Etats-Unis par la Federal Writers’porject et le Works progress administration ont été publiés dans l’ouvrage « Paroles d’esclaves, les jours du fouet » paru aux éditions du seuil en 1991.
Ils illustrent bien davantage que la gravure extraite du « Monde illustré » la dure réalité du marché d’esclaves.
Indissociables de l’esclavage, ces marchés permettaient aux planteurs comme aux petits blancs des villes, fonctionnaires ou commerçants, de renouveler leur(s) outil (s) de travail. Généralement annoncés par voie d’affiches, ces marchés voyaient les prix de vente des esclaves déterminés selon les qualités de ces derniers (aptitude physique, caractère supposé, âge, sexe…) mais aussi selon la loi de l’offre et de la demande.
A la fin du XVIIIème siècle, dans la colonie française de Saint-Domingue ( aujourd’hui Haïti), du fait de la rareté des esclaves et du besoin croissant des planteurs en main d’œuvre , une « pièce d’Inde » c’est-à-dire un « esclave mâle jeune et robuste, entre 15 et 30 ans » pouvait atteindre 2000 à 3000 livres ce qui représentait plusieurs années de travail d’un esclave.
Ils étaient rarement acquis comptant du fait de la rareté de la monnaie dans les colonies. En l’absence d’un véritable système de crédit, les acheteurs rédigeant des billets à ordre à leurs vendeurs, devenant ainsi leurs débiteurs jusqu’à extinction de la créance dont l’échéancier était fixé sur le billet. Ces billets pouvant être cédés par les vendeurs à leurs propres créanciers.
Les archives de la Haute-Saône conservent un billet de ce type dans le fonds Rochet (13J 19). Présenté dans le guide des sources de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions paru en 2007, ce document date du 4 mars 1772. Sa présence dans un fonds privé -celui des Rochet famille de maîtres de Forges étudiée par François Lassus- s’explique par les liens de parenté qu’avait l’acheteur nommé François Joseph Droguet, prêtre à Saint-Domingue avec cette famille. Nommé Dominique et acheté à crédit 2000 livres en 1772, l’esclave de l’abbé Droguet est âgé d’environ 25 ans au moment de son acquisition. Au dos de l’acte une note manuscrite de Droguet indique qu’il a fait estamper cet esclave d’origine Congo sur le haut de la poitrine et qu’il est mort subitement en 1776.
Contexte
Au temps de la traite transatlantique
Les traites sont un phénomène ancien car l'esclavage existe depuis l'Antiquité. La traite transatlantique se met en place au XVIe siècle et dure jusqu’au XIXe siècle. De 11 à 15 millions de captifs africains ont ainsi été déportés vers les colonies européennes d'Amérique ou vers l'Océan indien. Les esclaves noirs représentent une main-d'œuvre nombreuse et bon marché. Des navires européens quittent les ports négriers comme Nantes ou Liverpool. Ils s'arrêtent en Afrique de l'Ouest où ils échangent des esclaves contre des produits européens. Puis, c'est la traversée vers les colonies. De nombreux esclaves meurent durant ce voyage. Ceux qui arrivent sont vendus et travaillent principalement dans les plantations. Le Brésil et les Antilles sont les principales destinations des navires négriers. Ensuite, les bateaux reviennent en Europe chargés de produits coloniaux comme du coton, du café ou du sucre. On parle de commerce triangulaire. Le voyage total pouvait durer deux ans et demi.
Le travail le plus épuisant est celui de la culture de la canne à sucre et il est rythmé par le fouet. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec le développement de l'économie de plantation, la traite connaît un essor important. Au XVIIIe siècle, des centaines de milliers d'esclaves travaillent dans les plantations. À la même époque, d’abord en Angleterre, un courant en faveur de l'abolition de l'esclavage se développe.
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