Autoportrait à Sainte-Pélagie
Cette œuvre constitue le seul tableau de Gustave Courbet qui fait directement allusion à la Commune de Paris (18 mars 1871 – 28 mai 1871). Il s’agit d’un autoportrait où le peintre se représente enfermé à la prison de Sainte-Pélagie à Paris où il a purgé une partie de sa peine. En effet, il a été condamné à six mois de prison le 2 septembre 1871 pour avoir appelé à la destruction de la colonne Vendôme pendant la Commune. Cette accusation est cependant fausse sur deux points : d’une part, il avait seulement suggéré de déplacer ce monument à la gloire de Napoléon, trop belliqueux à ses yeux, et d’autre part cela se déroula six mois plus tôt, avant même d’avoir exercé la moindre fonction politique au sein de la Commune. Par la suite, une seconde procédure l’obligea à payer les frais de la reconstruction de la colonne.
Ce tableau n’est pas daté, on suppose qu’il a été réalisé aux alentours de 1872 en Franche-Comté ou en Suisse où il s’est exilé pour échapper à ses créanciers.
Dans cette œuvre, Gustave Courbet apparaît amaigri et portant le foulard rouge à la signification très politique. Il plonge un regard mélancolique en direction de la cour au travers des barreaux de sa cellule.
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Un manifeste politique ?
Courbet, farouche républicain sensible au socialismeTerme apparu vers 1830 pour désigner les doctrines qui dénoncent les abus du capitalisme et veulent instaurer la propriété collective des moyens de production et d’échange. L’objectif est de fonder une société d’hommes réellement libres et égaux, sans classe sociale. fouriériste, s’est cependant peu engagé en politique avant l’épisode de la Commune. Ainsi lors de la révolution de 1848, il observe de loin les barricades et affiche son soutien seulement par une illustration publiée dans la revue Le Salutpublic. Après la défaite de Sedan le 1er septembre 1870 et la proclamation de la République trois jours plus tard, Courbet préside la « Commission des arts » chargée de préserver les musées et les monuments de Paris. Il se présente ensuite aux élections législatives de février 1871 auxquelles il échoue de peu. Après l’instauration de la Commune, il exerce différentes fonctions dans ce nouveau régime pour lequel il s’enthousiasme, avant que celui-ci ne soit anéanti par les divisions politiques internes et surtout par la terrible répression menée par le gouvernement. Viennent ensuite le procès, les condamnations et l’emprisonnement dont Courbet ressort brisé.
Dans cette œuvre, Courbet rappelle ses engagements et ses convictions notamment par ce foulard rouge qui évoque les mouvements socialistes. Pour autant, le tableau n’est pas en lui-même porteur d’un message. Œuvre intrigante, elle témoigne plutôt du rapport complexe que Courbet entretient avec le politique et avec sa propre représentation.
Contexte
Tout au long de sa carrière Courbet a réalisé des autoportraits. L’autoportrait au chien noir marque sa première participation au Salon en 1844, celui de L’atelier du peintre (1855) le consacre. L’autoportrait témoigne non seulement d’un temps qui passe, mais permet aussi de construire son image. La pipe présente dans de nombreux autoportraits, et étroitement associée à Courbet notamment par les caricaturistes de son époque, figure ainsi dans cette œuvre. Par ailleurs, le regard triste s’échappant vers la cour de la prison rompt avec nombre d’autoportraits de Courbet où celui-ci regarde le spectateur d’un air amusé et provocateur. L’artiste ne se projette plus ici dans un monde rêvé mais se confronte à une réalité bien amère. Aussi, Courbet apparaît rajeuni, effet provoqué par un embonpoint largement diminué et par des cheveux et une barbe noire. Si ses problèmes de santé peuvent expliquer son amaigrissement, sa pilosité entre en contradiction avec les témoignages de ses contemporains qui parlent de « cheveux et barbes gris ». Ces choix de représentation relèvent sans doute d’une volonté de fabriquer une figure intemporelle, permettant à l’artiste de retrouver toute sa dignité. Elise Barbe-Zolnet, professeure missionnée par la DRAEAC au pôle Courbet (Ornans, Doubs)Complément(s)
Site(s)
Karambolage /La Commune de Paris (5 mn) https://www.youtube.com/watch?v=_S1iWRWhcvc
Quand Gustave Courbet purgeait une peine de prison (3 mn) https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/c-etait-a-la-une/quand-gustave-courbet-purgeait-une-peine-de-prison-6236041
Reportage France Info : « Une lettre de Gustave Courbet expliquant son rôle dans la chute de la colonne Vendôme rejoint le musée d’Ornans » (3 mn) https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/peinture/une-lettre-de-gustave-courbet-expliquant-son-role-dans-la-chute-de-la-colonne-vendome-rejoint-le-musee-d-ornans_5444833.html
Courbet dans sa cellule à Ste Pélagie (fusain) https://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/courbet-dans-sa-cellule-sainte-pelagie-200851