La pompe hydraulique
A la Grande Saline de Salins-les-Bains, le puisage de l’eau salée puis son transport vers le bâtiment de chauffe, nécessite un matériel qui va muter au fil des siècles avec l’évolution des technologies et la possibilité de puiser l’eau toujours plus profondément, permettant une augmentation de la salinité et donc de la rentabilité. Au VIIIe siècle l’eau est puisée à l’aide de perches à balancier munies de seaux, un contrepoids aidant au levage (force humaine). Au XIIIe, un système plus élaboré, la noria, permet de remonter la muire (= eau salée). Elle est mue par des chevaux. En 1631, 22 chevaux sont nécessaires pour actionner les mécanismes qui fonctionnent jour et nuit. Chaque roue nécessite trois chevaux, ceux-ci étant remplacés toutes les deux heures. Les chevaux comtois sont réputés pour leur robustesse. Leur coût est élevé et ils sont soignés avec beaucoup d’attention. Au XVIIIe les norias sont remplacées par des pompes hydrauliques, actionnées par l’eau de la rivière, la Furieuse. Ces mécanismes sont modernisés au XIXe siècle suite à la réalisation de sondages permettant de puiser l’eau salée directement au niveau du banc de sel.
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C’est en 1750 que le charpentier Vincent Bébian propose de dériver une partie des eaux de la Furieuse afin de l’utiliser comme moteur pour faire tourner des roues. L’eau est ensuite évacuée par le canal des eaux douces, le canal Cicon, utilisé jusque-là pour rejeter les sources d’eau douce à la rivière. Sa capacité est suffisante pour accueillir ce surplus d’eau. Une écluse, des vannes et des canaux sont construits et installés sur la Furieuse. L’eau dérivée alimente des roues à augets, par le dessus. Les roues tournent grâce au poids de l’eau.
Des planches détaillées, datées de 1756 et 1761, permettent de comprendre le mécanisme mis en place dans le puits d’Amont (une partie du système visible aujourd’hui). Le mouvement rotatif de la roue est transformé en un mouvement rectiligne alternatif horizontal, par l’intermédiaire d’une bielle-manivelle. La bielle entraîne un balancier qui actionne plusieurs pistons. En 1791, dans les deux salines de Salins, quatre roues de 4m80 à 6m60, actionnent dix pompes aspirantes qui élèvent les eaux, douces ou salées. Les eaux douces sont évacuées à la rivière pour ne pas diluer les eaux salées. Ces dernières sont envoyées dans les bâtiments d’évaporation afin d’en cristalliser le sel. L’avènement de la géologie et la découverte du sel gemme en profondeur induisent une modernisation des installations souterraines entre 1820 et 1850.
Deux types d’exploitation existent alors : l’abattage de blocs de sel dans des galeries de mine ou la réalisation de forage de profondeur pour atteindre l’eau salée en contact avec le sel gemme. Cette dernière option est retenue, car l’eau de pluie qui s’infiltre dans le sous-sol empêche l’exploitation minière du sel en Franche-Comté. En 1848, une fois le forage réalisé au puits d’Amont, le mécanisme hydraulique existant est agrandi pour pomper à 246m de profondeur, une eau salée très proche de la saturation avec une concentration d’environ 330g/L. Témoignage d’un savoir-faire ancestral, cet ouvrage technique, encore en action, a contribué à l’inscription de la Grande Saline au patrimoine mondial de l’UnescoOrganisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organisation) créée en 1945. Depuis 1978, l’UNESCO a classé 1154 biens, culturels ou naturels, comme patrimoine mondial. More. Lors des visites, le rythme calme et envoutant de la roue entrainée par l’eau, met en mouvement ce balancier long de 32 m qui actionne la pompe de la Grande Saline.