La charte de franchises de la ville de Delle
Cette charte de franchises fut accordée à la ville de Delle par Rodolphe, archiduc d’Autriche en 1358. Initialement rédigée en allemand, elle fut traduite en français en 1540 à partir d’une copie « en langues germaniques et latines » du 28 décembre 1486 réalisée à la demande de Guillaume de Ribaupierre, bailli et lieutenant général d’Alsace. Cette traduction fut réalisée par Jean Soder, prévôt, à la demande des maître bourgeois de la ville. L’auteur de la charte est Rodolphe IV de Habsbourg (1339-1365), seigneur de Delle, qui l’adresse à son suzerainDésigne depuis le XIVe siècle le seigneur du seigneur d’un vassal, par opposition au seigneur immédiat du vassal. Ce n’est donc pas un synonyme de seigneur., l’empereur Charles IV de Luxembourg, en vue de sa ratification. Il est âgé de 19 ans au moment de son octroi. La charte devait comporter le sceau de l’archiduc, mais celui-ci n’a pas résisté à l’épreuve du temps. Cette charte donne « à nos bien aimés et fidèles bourgeois, manants et habitants de notre ville de Delle » des « privilèges, franchises, libertés et avantages » ; ceux-ci sont énoncés dans 46 articles. La finalité de ce texte, annoncée dans le préambule, est la protection des sujets de Rodolphe, le maintien de l’ordre dans la ville et l’attrait de nouveaux habitants.
En savoir plus
A l’origine seigneurie ecclésiastique, possession des abbés de Murbach (vers 736-737), la ville de Delle devient l’objet de nombreux conflits aux XII et XIIIème siècle entre les comtes de Ferrette et les comtes de Montbéliard. En 1324, les ducs d’Autriche en prennent possession par mariage et la conservent parmi leurs terres de Haute-Alsace. Cette charte diffère d’autres plus classiques par son contenu ; en effet, la plupart des articles (31 sur 46) constituent une sorte de code pénal s’appliquant aux bourgeois de Delle ; les autres concernent le statut et la résidence des bourgeois, la propriété et le droit successoral. En matière de justice, la nature des peines est précisée ; en cas d’homicide, la décapitation est encourue. Dans plusieurs articles, les bourgeois (propriétaires résidant dans la ville, ayant obtenus leur admission à ce titre après l’acquittement d’un droit) sont opposés aux autres habitants et semblent favorisés ; si la victime est un bourgeois, le coupable sera sanctionné plus sévèrement que si elle est un paysan. Aucun article ne précise la nature des taxes et redevances dues au seigneur ; en revanche, il est spécifié que les nobles en sont exempts. Cette charte nous apprend peu de choses sur l’organisation de la ville ; elle est dotée d’un conseil, autorisé à prendre les ordonnances et règlements indispensables au bon fonctionnement de la ville, instituant ainsi un pouvoir municipal. Ce document n’est pas un engagement définitif et perpétuel de l’archiduc Rodolphe et de ses descendants ; il accorde des libertés aux bourgeois mais préserve les siennes ; un article précise qu’il peut modifier la charte sans en référer à l’empereur. Contrairement à d’autres chartes où les franchises doivent être payées (Belfort, Montbéliard), à Delle, elles sont données. En précisant le droit et en sécurisant les libertés, cette charte offre aux bourgeois de Delle un cadre pour organiser leurs activités et favoriser l’essor économique.
Sandrine Bozzoli, professeure d’histoire-géographie.
Contexte
Gouverner les villes au Moyen Âge
Dans les villes, les habitants dépendent d'un seigneur. Souvent, il s'agit d'un seigneur ecclésiastique, évêque ou archevêque. Les bourgeois rassemblés en commune remettent en cause l'autorité de ces seigneurs. Parfois éclatent des révoltes sanglantes comme à Laon en 1112, où l'évêque est tué. Sous la pression, les seigneurs accordent des chartes de franchises aux bourgeois, qui leur permettent de s'administrer eux-mêmes. Les plus riches élisent un conseil d'échevins qui se réunit dans un hôtel de ville. Les villes apparaissent comme un premier espace de liberté dans le cadre de la société féodale.
Complément(s)
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Jules Joachim (1871-1961), professeur, historien et directeur de la Revue d’Alsace, est spécialiste de l’histoire de l’Alsace, en particulier du Haut-Rhin et de la région de Belfort et de Delle. Il reconstitue une vue générale de la ville de Delle au XVIIème siècle à partir d’archives.
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