Le calendrier révolutionnaire et ses symboles
Les révolutionnaires, surtout à partir de la mise en place de la République, ont voulu faire table rase du passé. Le 5 octobre 1793, la Convention adopte ainsi un nouveau calendrier dont le début est fixé au lendemain de l’abolition de la monarchie ; le 1er jour de l’année est donc le 22 septembre. Les semaines sont transformées en décades, le nom des mois fait référence au climat ou au travail des champs, celui des jours de l’année à des plantes, des animaux, des outils et non plus à des saints chrétiens. De nombreux jours chômés en raison de fêtes religieuses ont disparu, mais aussi le repos dominical, remplacé par un repos décadaire, un jour sur 10 au lieu d’un jour sur 7.
Adopté uniquement en France et dans les territoires soumis à la France, abrogé le 22 fructidor an XIII (9 septembre 1805) pour un retour au calendrier grégorien le 1er janvier 1806, ce calendrier n’a donc été utilisé que durant une douzaine d’années et n’a été que peu appliqué hormis dans la datation des actes publics.
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La plupart des calendriers ordinaires comme ceux qu’éditait l’imprimeur auxerrois L. Fournier ont continué à se fonder sur l’ancien calendrier, le faisant simplement débuter en septembre et ajoutant une petite colonne pour les dénominations révolutionnaires. Mais certains, comme celui réalisé par le graveur parisien François-Louis Couché, mettent en scène de nombreux symboles révolutionnaires et républicains.
Ce calendrier est divisé en deux séries de six mois, en l’occurrence l’automne et l’hiver puis le printemps et l’été, surmontées de scènes révolutionnaires. À gauche, les allégories de la Loi et de la Justice encadrent un génie de la Liberté porteur de la Constitution reposant sur la DDHC (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen) ; cette scène est encadrée par la citation des devises adoptées en 1792 et du dernier couplet de La Marseillaise. Il s’agit là de mettre en valeur la mise en place de la République, tandis qu’à droite c’est la destruction du despotisme par la connaissance qui est célébrée. Cette deuxième scène est encadrée par des allégories de la Liberté et de l’Égalité, valeurs fondatrices de la Révolution, et du portrait des deux principaux martyrs de la Révolution, Le Pelletier et Marat. D’autres symboles sont disséminés de part et d’autre des colonnes du calendrier : le portrait de deux autres martyrs de la Révolution – Charlier et Bara –, des dates importantes – 12 et 14 juillet 1789, 10 août 1792 – le coq, symbole de la Gaule/France et le bonnet phrygien symbole de la liberté nouvellement acquise.
Cette estampe présente le calendrier de la deuxième année de la République, du 22 septembre 1793 au 21 septembre 1794 mais elle ne peut avoir été mise en circulation à cette date : Couché le Jeune n’était pas encore graveur – il est né en 1782 –, et La Marseillaise n’était pas encore l’hymne national (1795). Elle a donc clairement une valeur uniquement symbolique qui tient autant à l’iconographie utilisée qu’à l’insertion du calendrier républicain en lui-même.
Nathalie Verpeaux, professeure d’histoire-géographie.
Contexte
Gouverner en 1793
Depuis la proclamation de la République en septembre 1792, la situation évolue vite en France. En 1793, Louis XVI, condamné pour trahison, est guillotiné. La France doit faire face à une coalition des monarques européens. Menacée par les défaites militaires, la Révolution est en danger. Pour la défendre, une levée en masse de 300 000 hommes est décrétée. En juin 1793, les Montagnards, appuyés par les sans-culottes, prennent le pouvoir. Les Girondins, plus modérés, sont emprisonnés. Un gouvernement exceptionnel se met en place : c'est le Comité de salut public. Sa tâche est de combattre tous les ennemis de la Révolution, à l'extérieur les autres monarchies, mais aussi à l'intérieur les partisans de la contre-révolution et les opposants au gouvernement. Le Comité instaure la Terreur. Au-delà de Paris, la guerre civile menace, notamment avec l'insurrection vendéenne. Les passions sont à leur apogée.
Dans ce Comité de salut public, on trouve une dizaine de personnes dont des personnalités comme Robespierre ou Saint-Just. La « Loi des suspects » de septembre 1793 permet d'arrêter tous ceux qui sont accusés d'être des « ennemis de la liberté » et de les faire comparaitre devant le tribunal révolutionnaire. Une telle formule laisse place à l'arbitraire. Des représentants du Comité sont envoyés en province. Partout en France des milliers de personnes sont arrêtées. En quelques mois, la révolte vendéenne est écrasée et les armées étrangères sont repoussées. La Révolution est sauvée mais le bilan de la Terreur est lourd : 17 000 condamnations à mort, 200 000 victimes de la guerre civile dont 130 O00 Vendéens. Finalement, Robespierre et ses partisans, accusés de dictature, sont arrêtés et guillotinés en juillet 1794.
Les institutions de la Terreur sont démantelées, les suspects sont libérés. La République reste cependant fragile.