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L’article 29 du cahier de doléances de Champagney

Champagney | Haute-Saône | Archives de Haute-Saône | 1789
Époque contemporaine | Révolution française

© Archives départementales de Haute-Saône, 454L24

Le 19 mars 1789, les habitants de Champagney rédigent, à la demande du Roi Louis XVI, leur cahier de doléances. Ils incluent dans la liste de leurs revendications, un article surprenant – le numéro 29- dans lequel ils demandent collectivement l’abolition d’une pratique normale et légale dans les colonies, celle de l’esclavage des noirs. Ce texte, unique en son genre, est motivé par la perception en l’esclave d’un semblable dont rien ne justifie les mauvais traitements. Il appelle au boycott des produits des colonies dont la consommation rend le consommateur complice de l’exploitation de ces hommes et de ces femmes, arrachés à leur Afrique natale pour les cultiver. L’original du cahier de doléances de Champagney est conservé aux Archives départementales de la Haute-Saône

 

En savoir plus

Pour faire face à la situation financière catastrophique du royaume, le roi Louis XVI décide au mois d’août 1788 de convoquer les Etats Généraux pour mai 1789. Ils n’avaient plus été convoqués depuis 1614. Plus de 60 000 cahiers de doléances sont rédigés entre le mois de mars et le mois de mai 1789.Tous les hommes âgés de 25 ans et plus et payant l’impôt peuvent participer à leur rédaction. Dans le bailliage d’Amont (la Haute-Saône actuelle), leur rédaction débute aux alentours du 20 mars 1789 après la publication de la lettre du roi. En même temps, chaque communauté élit ses députés à l’Assemblée générale du bailliage. Les doléances montrent que la plupart des Français attendent effectivement des réformes importantes de la part du pouvoir royal. Ils permettent aussi de constater que la plupart des privilégiés (Clergé et Noblesse) ne sont pas prêts à accepter ces changements. Ces doléances abordent rarement la thématique de l’esclavage -une soixantaine de cahiers sur les soixante mille rédigés, principalement localisés sur la façade atlantique. Elles sont souvent très proches d’un cahier à l’autre et montrent que si les Français restent attachés à leur roi, ils attendent des réformes notamment en matière fiscale. Il en est de même à Champagney où seul l’article 29 en réclamant l’abolition de l’esclavage, se démarque. En 1789, Champagney, situé dans le baillage d’Amont (actuelle Haute-Saône) compte environ 2000 habitants dispersés sur plusieurs hameaux. Paysans ou mineurs, la majorité d’entre eux vit pauvrement et, de ce fait, est exclue de la rédaction du cahier de doléances. Parmi les noms des 70 signataires, on remarque le nom de Jacques Antoine Priqueler, né à Champagney en 1753, garde du corps du roi Louis XVI qui, selon l’hypothèse de René Simonin, serait l’initiateur de l’article 29.

D’après des contributions d’Elodie Lambert, assistante de conservation en charge de la Maison de la Négritude et de Didier Roux, professeur d’histoire-géographie, détaché aux Archives de Haute-Saône.

 

Contexte

La France à la veille de la Révolution

La France des années 1780 est un pays où trois habitants sur quatre vivent à la campagne. Le pays se trouve dans une triple situation de crise. La crise est tout d'abord économique : la hausse du prix du pain plonge le pays dans la disette. Les crises de subsistance affolent les populations. Au printemps 1789, l'agitation populaire est vive dans les campagnes et dans les villes.

La crise est également sociale : les difficultés économiques déstabilisent une société d'ordres déjà en crise. La paysannerie, dont les revenus s'effondrent du fait des mauvaises récoltes, est plus que jamais incapable de répondre aux exigences seigneuriales et royales.

La crise est enfin politique. La monarchie française a toujours connu un important déficit budgétaire, mais ses difficultés s'accroissent à cette époque. En 1788, l'État est proche de la banqueroute : plus de la moitié de ses revenus est absorbée par le remboursement de la dette.

Seule une réforme fiscale radicale passant par la remise en cause des privilèges pourrait sortir le pays de la crise financière. Mais les contrôleurs généraux des finances, qui tentent de mettre en place un impôt unique payé par tous, se heurtent à l'opposition des parlements. Toutes les tentatives de réformes échouent. Dans l'espoir de mettre fin à la crise, le roi Louis XVI accepte de convoquer les états généraux afin de demander la création de nouveaux impôts. Pour préparer cette consultation, il demande à ses sujets de lui faire connaître leurs revendications : près de 60 000 cahiers de doléances sont rédigés au printemps 1789 et envoyés à la Cour. Il s'agit d'un éclairage exceptionnel sur l'état de l'opinion publique à la fin des années 1780. Le roi a ainsi ouvert un espace de liberté de parole sans précédent pour les Français.

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