La création de hauts-fourneaux à Rans
La création de hauts-fourneaux
En 1854, la Société des forges de Fraisans décide de moderniser les forges de Rans, implantées depuis 1705 sur les rives du Doubs. Elles transformaient jusqu’à présent le minerai de fer des mines d’Ougney situées à une dizaine de kilomètres, dans des hauts-fourneaux alimentés au charbon de bois provenant de la forêt de Chaux toute proche. Au milieu du XIXe siècle, ces forges ne sont plus assez rentables face à la concurrence anglaise qui produit en grande quantité le fer avec du coke, de la houille purifiée après avoir été chauffée durant plusieurs heures à très haute température à l’abri de l’air puis subitement refroidie. Quatre nouveaux hauts-fourneaux alimentés au coke sont construits, dont deux de plus grande capacité. Une machine à vapeur actionne leur soufflerie, remplaçant la prise d’eau sur le Doubs soumise aux aléas climatiques. La rivière devient la principale voie d’acheminement des matières premières et des productions de l’usine. La création d’une voie ferrée entre Ougney et Rans pour remplacer efficacement les charrettes dans le transport du minerai complète cette transformation.
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L’utilisation du coke en sidérurgieEnsemble des techniques de production du fer, de la fonte et de l’acier. marque un tournant important pour cette industrie. Le charbon fossile trop chargé en impuretés pour produire de la bonne fonte était auparavant impropre à la fabrication du fer. Sa transformation en coke à forte concentration en carbone permet de remplacer avantageusement le charbon de bois utilisé jusqu’à présent. Cette évolution arrive à point nommé au moment où la pression sur la ressource forestière menace l’existence même de la forêt de Chaux, les forges de Rans consommant 20 000 stères de bois par an, les forges de Fraisans voisines 58 000 stères, soit à elles deux quatre fois plus qu’une ville comme Dole pour se chauffer. La modernisation des forges de Rans, de l’ordre 1,8 millions de francs, est un investissement de restructuration de la production très coûteux pour la Société des forges de Fraisans mais la rentabilité meilleure de la fonte au coke, 90 fr la tonne au lieu de 140 fr pour la fonte au bois, et la possibilité de produire de plus grandes quantités de fonte permettent d’abaisser fortement les coûts de production et de résister à la concurrence anglaise. C’est la recherche de solutions pour abaisser les coûts de production qui conduit également à investir dans des machines à vapeur de 100 CV chacune pour le fonctionnement des hauts-fourneaux afin de ne plus être victime du gel en hiver ou de l’étiage de la rivière en été qui provoquaient l’arrêt de la production. Il en est de même avec la construction de la ligne de chemin de fer entre Ougney et Rans, d’un montant d’environ 2 millions de francs, pour transporter les plus grandes quantités de minerai de fer réclamées par les hauts-fourneaux, un accroissement de productivité que ne pourrait permettre le transport traditionnel du minerai par charrettes attelées. Ces investissements à Rans et à Ougney représentent environ le quart du capital immobilier de la Société des forges de Fraisans et marquent la volonté de concentrer la production de fonte sur Fraisans et Rans au détriment des unités du Premier plateau, plus petites, au charbon de bois, isolées et moins rentables, vouées à une fermeture à brève échéance. Ayant compté jusqu’à 250 ouvriers, l’usine de Rans voit son dernier haut-fourneauGrand four en cuve dans lequel on fait fondre le minerai de fer en contact avec le combustible. s’éteindre en 1935 et l’usine de Fraisans ferme en 1936. La mine d’Ougney ferme quant à elle en 1922.
Contexte
Le monde ouvrier
Le monde ouvrier vit au début de l'industrialisation dans une grande misère qui contraste avec l'aisance de la bourgeoisie. Le paroxysme est atteint dans les années 1830-1840. Les familles touchent des salaires journaliers juste au niveau du minimum vital. Le temps de travail n'est pas réglementé. Avant les lois limitant le travail des enfants, il n'est pas rare de voir des petits ouvriers âgés de 8 ans travailler jusqu'à 16 heures par jour ! Dans les ateliers comme dans les villes industrielles, on respire un air chargé de fumée et de particules toxiques.
Des médecins rédigent des rapports qui montrent les conditions sanitaires épouvantables des familles ouvrières de cette époque. Les logements sont insalubres et surpeuplés. Les familles habitent dans les greniers ou les caves. À Londres, la classe ouvrière s'entasse dans de véritables taudis. Le rachitisme des enfants est fréquent. Devant ces aspects les plus révoltants, l'État intervient timidement. En 1841, le travail des enfants de moins de 8 ans est interdit en France. Des patrons mènent une action paternaliste. Ils assurent le logement et une certaine protection sociale à leurs ouvriers. Globalement, la vie ouvrière reste cependant très dure.
Il faut néanmoins se garder d'une vision trop misérabiliste de la condition ouvrière au XIXe siècle. Cette classe sociale développe une sociabilité et des solidarités qui lui font peu à peu prendre conscience d'elle-même et de ses intérêts. Une véritable culture ouvrière s'affirme. Elle se caractérise par la fréquentation des cafés, les promenades, des fêtes, mais aussi la mise en place de caisses mutuelles de solidarité contre les risques de l'existence et de bourses du travail. Les luttes ouvrières s'organisent. Ces combats ouvriers et les pressions syndicales et politiques contribuent à améliorer les conditions de vie et de travail au cours du XIXe siècle. Les ouvriers se nourrissent mieux. La hausse des salaires permet à certains d'acheter des biens de consommation.
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